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« Tachycardie par réentrée intra-nodale » : différence entre les versions

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Il s’agit d’une tachycardie par réentrée. Celle-ci est rendue possible par une dualité nodale, c’est-à-dire que le nœud atrioventriculaire est divisé en (au moins) deux voies dont les propriétés électrophysiologiques sont différentes. Au cours de la tachycardie par réentrée intra-nodale, l’influx électrique va emprunter une voie dans le sens antérograde et une deuxième voie dans le sens rétrograde (Figure 1). La réentrée ne dépend que du nœud atrio-ventriculaire et peut donc théoriquement se poursuivre sans participation des ventricules (en cas de bloc intra- ou infra-hissien associé) ou des atria (des cas avec une conduction rétrograde en 2:1 ont été observés).<ref>Katritsis DG, Josephson ME. Classification of electrophysiological types of atrioventricular nodal re-entrant tachycardia: a reappraisal. EP Eur. 2013 Sep;15(9):1231–40.</ref> Ces cas sont extrêmement rares, on observe en règle générale une tachycardie avec une relation atrioventriculaire en 1:1.
Il s’agit d’une tachycardie par réentrée. Celle-ci est rendue possible par une dualité nodale, c’est-à-dire que le nœud atrioventriculaire est divisé en (au moins) deux voies dont les propriétés électrophysiologiques sont différentes. Au cours de la tachycardie par réentrée intra-nodale, l’influx électrique va emprunter une voie dans le sens antérograde et une deuxième voie dans le sens rétrograde (Figure 1). La réentrée ne dépend que du nœud atrio-ventriculaire et peut donc théoriquement se poursuivre sans participation des ventricules (en cas de bloc intra- ou infra-hissien associé) ou des atria (des cas avec une conduction rétrograde en 2:1 ont été observés).<ref>Katritsis DG, Josephson ME. Classification of electrophysiological types of atrioventricular nodal re-entrant tachycardia: a reappraisal. EP Eur. 2013 Sep;15(9):1231–40.</ref> Ces cas sont extrêmement rares, on observe en règle générale une tachycardie avec une relation atrioventriculaire en 1:1.
[[Fichier:Figure 1 - Anatomie.jpg|néant|vignette|999x999px|Figure 1. L’encart A est une représentation schématique de l’oreillette droite en vue latérale droite dont la paroi latérale aurait été excisée. Elle met en lumière les rapports anatomiques du nœud atrioventriculaire ainsi que son étendue spatiale. L’encart B est une représentation schématique de la réentrée ayant lieu dans les tachycardies par réentrées intra-nodales. Les flèches rouges montrent le circuit de la tachycardie.]]
[[Fichier:Figure 1 - Anatomie.jpg|néant|vignette|999x999px|Figure 1. L’encart A est une représentation schématique de l’oreillette droite en vue latérale droite dont la paroi latérale aurait été excisée. Elle met en lumière les rapports anatomiques du nœud atrioventriculaire ainsi que son étendue spatiale. L’encart B est une représentation schématique de la réentrée ayant lieu dans les tachycardies par réentrées intra-nodales. Les flèches rouges montrent le circuit de la tachycardie.]]
Dans la dualité nodale, la voie rapide correspond à la voie normale empruntée par l’influx électrique en rythme sinusal ; elle conduit rapidement et a une période réfractaire longue. La voie lente, à l’inverse, conduit lentement et possède une période réfractaire plus courte. Elle peut rarement s’exprimer en rythme sinusal en cas de double réponse (Figure 2).<ref>Motté G, Dinanian S, Sebag C, Drieu L, Slama M. [Double responses]. Arch Mal Coeur Vaiss. 1995 Dec;88 Spec No 5:11–8. </ref> Il est important de noter que l’existence d’une dualité nodale est fréquente, environ 25% de la population générale,<ref>Grolleau R, Gallay P. Arythmies cardiaques illustrées et expliquées. Montpellier: Sauramps médical; 2017. </ref> mais seule une minorité des sujets qui en sont porteur développeront des épisodes de tachycardie par réentrée intra-nodale. La coexistence d’épisodes de tachycardie supraventriculaires et d’une dualité nodale ne suffit pas à affirmer qu’il s’agisse de tachycardies par réentrée intra-nodale.
Dans la dualité nodale, la voie rapide correspond à la voie normale empruntée par l’influx électrique en rythme sinusal ; elle conduit rapidement et a une période réfractaire longue. La voie lente, à l’inverse, conduit lentement et possède une période réfractaire plus courte. Elle peut rarement s’exprimer en rythme sinusal en cas de double réponse (Figure 2).<ref>Motté G, Dinanian S, Sebag C, Drieu L, Slama M. [Double responses]. Arch Mal Coeur Vaiss. 1995 Dec;88 Spec No 5:11–8. </ref> Il est important de noter que l’existence d’une dualité nodale est fréquente, environ 25% de la population générale,<ref name=":0">Grolleau R, Gallay P. Arythmies cardiaques illustrées et expliquées. Montpellier: Sauramps médical; 2017. </ref> mais seule une minorité des sujets qui en sont porteur développeront des épisodes de tachycardie par réentrée intra-nodale. La coexistence d’épisodes de tachycardie supraventriculaires et d’une dualité nodale ne suffit pas à affirmer qu’il s’agisse de tachycardies par réentrée intra-nodale.
[[Fichier:Figure 2 - Double réponse.jpg|néant|vignette|1000x1000px|Figure 2. L’encart A est une représentation schématique d’une dualité nodale où la voie lente et la voie rapide peuvent toutes les deux être empruntées simultanément de manière antérograde et générer une double réponse. L’encart B représente un ECG de double réponse : une unique onde P génère deux QRS. Le premier est précédé d’un PR normal, correspondant à l’emprunt de la voie rapide (en rouge), le second est précédé d’un PR très long, correspondant à l’emprunt de la voie lente (en bleu). L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique (le point correspond au rythme sinusal, NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivations d’une double réponse. On note bien qu’il n’y a qu’une onde P (signalées par les flèches vertes) pour deux QRS avec des intervalles PR<sub>1</sub> et PR<sub>2</sub> fixes.]]
[[Fichier:Figure 2 - Double réponse.jpg|néant|vignette|1000x1000px|Figure 2. L’encart A est une représentation schématique d’une dualité nodale où la voie lente et la voie rapide peuvent toutes les deux être empruntées simultanément de manière antérograde et générer une double réponse. L’encart B représente un ECG de double réponse : une unique onde P génère deux QRS. Le premier est précédé d’un PR normal, correspondant à l’emprunt de la voie rapide (en rouge), le second est précédé d’un PR très long, correspondant à l’emprunt de la voie lente (en bleu). L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique (le point correspond au rythme sinusal, NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivations d’une double réponse. On note bien qu’il n’y a qu’une onde P (signalées par les flèches vertes) pour deux QRS avec des intervalles PR<sub>1</sub> et PR<sub>2</sub> fixes.]]
La dénomination anglaise de cette tachycardie est ''atrioventricular nodal reentrant tachycardia'' (AVNRT).
La dénomination anglaise de cette tachycardie est ''atrioventricular nodal reentrant tachycardia'' (AVNRT).
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[[Fichier:Figure 3 - Slow-fast.jpg|néant|vignette|999x999px|Figure 3. L’encart A est une représentation schématique du circuit emprunté lors d’une réentrée intra-nodale ''slow-fast'' ; la conduction antérograde a lieu par la voie lente et la conduction rétrograde par la voie rapide. L’encart B est un ECG schématique de tachycardie par réentrée intra-nodale ''slow-fast'', l’onde P n’est pas visible car elle tombe dans la fin du QRS. L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique en tachycardie (NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivation d’une tachycardie par réentrée intra-nodale slow-fast ; l’onde P peut se deviner à la fin du QRS.]]
[[Fichier:Figure 3 - Slow-fast.jpg|néant|vignette|999x999px|Figure 3. L’encart A est une représentation schématique du circuit emprunté lors d’une réentrée intra-nodale ''slow-fast'' ; la conduction antérograde a lieu par la voie lente et la conduction rétrograde par la voie rapide. L’encart B est un ECG schématique de tachycardie par réentrée intra-nodale ''slow-fast'', l’onde P n’est pas visible car elle tombe dans la fin du QRS. L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique en tachycardie (NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivation d’une tachycardie par réentrée intra-nodale slow-fast ; l’onde P peut se deviner à la fin du QRS.]]
Figure 4. L’encart A est une représentation schématique du circuit emprunté lors d’une réentrée intra-nodale fast-slow ; la conduction antérograde a lieu par la voie rapide et la conduction rétrograde par la voie lente. L’encart B est un ECG schématique de tachycardie par réentrée intra-nodale fast-slow, l’onde P est bien visible juste avant le QRS. L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique en tachycardie (NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivation d’une tachycardie par réentrée intra-nodale fast-slow ; il s’agit d’un tracé un peu particulier, la tachycardie est à QRS larges car le patient a développé un bloc de branche gauche dans les suites d’un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST récent.
[[Fichier:Figure 4 - Fast-slow.jpg|néant|vignette|1001x1001px|Figure 4. L’encart A est une représentation schématique du circuit emprunté lors d’une réentrée intra-nodale ''fast-slow'' ; la conduction antérograde a lieu par la voie rapide et la conduction rétrograde par la voie lente. L’encart B est un ECG schématique de tachycardie par réentrée intra-nodale ''fast-slow'', l’onde P est bien visible juste avant le QRS. L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique en tachycardie (NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivation d’une tachycardie par réentrée intra-nodale ''fast-slow'' ; il s’agit d’un tracé un peu particulier, la tachycardie est à QRS larges car le patient a développé un bloc de branche gauche dans les suites d’un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST récent.]]
[[Fichier:Figure 5 - Slow-slow.jpg|néant|vignette|1000x1000px|Figure 5. L’encart A est une représentation schématique du circuit emprunté lors d’une réentrée intra-nodale ''slow-slow'' ; la conduction antérograde a lieu par une première voie lente et la conduction rétrograde par une deuxième voie lente. L’encart B est un ECG schématique de tachycardie par réentrée intra-nodale ''slow-slow'', l’onde P est bien visible dans la pente ascendante de l’onde T. On note que l’intervalle RR est plus long que dans les formes précédemment décrites. L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique en tachycardie (NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivation d’une tachycardie par réentrée intra-nodale ''fast-slow'' ; il s’agit d’un tracé un peu particulier, la tachycardie est à QRS larges car le patient présente un bloc de branche gauche fréquence-dépendant en tachycardie. L’onde P est bien visible dans les dérivations inférieures où elle déforme le sommet de l’onde T en la rendant aiguë.]]
Figure 5. L’encart A est une représentation schématique du circuit emprunté lors d’une réentrée intra-nodale slow-slow ; la conduction antérograde a lieu par une première voie lente et la conduction rétrograde par une deuxième voie lente. L’encart B est un ECG schématique de tachycardie par réentrée intra-nodale slow-slow, l’onde P est bien visible dans la pente ascendante de l’onde T. On note que l’intervalle RR est plus long que dans les formes précédemment décrites. L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique en tachycardie (NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivation d’une tachycardie par réentrée intra-nodale fast-slow ; il s’agit d’un tracé un peu particulier, la tachycardie est à QRS larges car le patient présente un bloc de branche gauche fréquence-dépendant en tachycardie. L’onde P est bien visible dans les dérivations inférieures où elle déforme le sommet de l’onde T en la rendant aiguë.
 
Prévalence et démographie
== Prévalence et démographie ==
Les tachycardies par réentrées intra-nodales représentent les tachycardies supraventriculaires paroxystiques les plus fréquentes (fibrillation atriale exclue).(4)
Les tachycardies par réentrées intra-nodales représentent les tachycardies supraventriculaires paroxystiques les plus fréquentes (fibrillation atriale exclue).<ref name=":1">Wu D, Denes P, Amat-Y-Leon F, Dhingra R, Wyndham CRC, Bauernfeind R, et al. Clinical, electrocardiographic and electrophysiologic observations in patients with paroxysmal supraventricular tachycardia. Am J Cardiol. 1978 May;41(6):1045–51.</ref>
La distribution de l’âge des sujets atteints de tachycardies par réentrée intra-nodale est bimodale avec un premier pic vers 20 ans et un deuxième vers 40 ans.(5,6) Chez les jeunes patients, les premières crises surviennent vers la fin de l’adolescence puis se majorent, ce qui les pousse à consulter. Les femmes sont plus fréquemment concernées que les hommes.
 
Les tachycardies par réentrée intra-nodale surviennent dans la majorité des cas sur cœur sain.(4)
La distribution de l’âge des sujets atteints de tachycardies par réentrée intra-nodale est bimodale avec un premier pic vers 20 ans et un deuxième vers 40 ans.<ref name=":2">Issa ZF, Miller JM, Zipes DP. 17 - Atrioventricular Nodal Reentrant Tachycardia. In: Issa ZF, Miller JM, Zipes DP, editors. Clinical Arrhythmology and Electrophysiology (Third Edition) [Internet]. Philadelphia: Elsevier; 2019. p. 560–98. Available from: <nowiki>https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780323523561000177</nowiki></ref><ref>Brugada J, Katritsis DG, Arbelo E, Arribas F, Bax JJ, Blomström-Lundqvist C, et al. 2019 ESC Guidelines for the management of patients with supraventricular tachycardiaThe Task Force for the management of patients with supraventricular tachycardia of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J [Internet]. 2019 Aug 31 [cited 2019 Sep 1]; Available from: <nowiki>https://academic.oup.com/eurheartj/advance-article/doi/10.1093/eurheartj/ehz467/5556821</nowiki></ref> Chez les jeunes patients, les premières crises surviennent vers la fin de l’adolescence puis se majorent, ce qui les pousse à consulter. Les femmes sont plus fréquemment concernées que les hommes.
Les tachycardies par réentrée intra-nodale les plus fréquentes sont de type slow-fast (80% des cas). (5,7) Celles de type slow-slow sont les plus rares. Plus les patients sont âgés plus la prévalence des tachycardies par réentrée intra-nodale atypique augmente.(8)
 
Diagnostic
Les tachycardies par réentrée intra-nodale surviennent dans la majorité des cas sur cœur sain.<ref name=":1" />
Description clinique
 
Au point de vue clinique, les patients présentent des crises de palpitations rapides, régulières, de début et de fin brutale. Elles peuvent être déclenchées par des variations brusques de la précharge comme l’inspiration brutale ou se pencher rapidement en avant. La moitié des patients présentant une tachycardie par réentrée intra-nodale typique se plaignent également de palpitations dans le cou. Ce « frog sign » est dû à la contraction de l’atrium droit sur la valve tricuspide fermée, engendrant un reflux sanguin dans les veines jugulaires.(5) Lorsque la crise se termine, les patients décrivent une sensation de soulagement, de vide, de chaleur et fréquemment une envie pressante d’uriner avec polyurie. De manière moins classique, certains patients peuvent se plaindre de douleur thoracique (oppression, pincement, etc.), de lipothymies ou de dyspnée. L’existence de syncopes véritables est possible mais rare et se rencontre essentiellement chez les sujets les plus âgés.  
Les tachycardies par réentrée intra-nodale les plus fréquentes sont de type ''slow-fast'' (80% des cas).<ref name=":2" /><ref>Sacher F, Maury P. 3 - Troubles du rythme et ablation. In: Précis de Rythmologie. Stimuprat; 2022. p. 159–436.</ref> Celles de type ''slow-slow'' sont les plus rares. Plus les patients sont âgés plus la prévalence des tachycardies par réentrée intra-nodale atypique augmente.<ref>Katritsis DG, Sepahpour A, Marine JE, Katritsis GD, Tanawuttiwat T, Calkins H, et al. Atypical atrioventricular nodal reentrant tachycardia: prevalence, electrophysiologic characteristics, and tachycardia circuit. Europace. 2015 Jul;17(7):1099.1-1106.</ref>
 
== Diagnostic ==
 
=== Description clinique ===
Au point de vue clinique, les patients présentent des crises de palpitations rapides, régulières, de début et de fin brutale. Elles peuvent être déclenchées par des variations brusques de la précharge comme l’inspiration brutale ou se pencher rapidement en avant. La moitié des patients présentant une tachycardie par réentrée intra-nodale typique se plaignent également de palpitations dans le cou. Ce « ''frog sign'' » est dû à la contraction de l’atrium droit sur la valve tricuspide fermée, engendrant un reflux sanguin dans les veines jugulaires.<ref name=":2" /> Lorsque la crise se termine, les patients décrivent une sensation de soulagement, de vide, de chaleur et fréquemment une envie pressante d’uriner avec polyurie. De manière moins classique, certains patients peuvent se plaindre de douleur thoracique (oppression, pincement, etc.), de lipothymies ou de dyspnée. L’existence de syncopes véritables est possible mais rare et se rencontre essentiellement chez les sujets les plus âgés.
 
L’éventail de sévérité de la symptomatologie peut être très large, allant de crises de palpitations épisodiques de quelques battements aux tachycardies subintrantes ou incessantes.
L’éventail de sévérité de la symptomatologie peut être très large, allant de crises de palpitations épisodiques de quelques battements aux tachycardies subintrantes ou incessantes.
Description électrocardiographique
 
A l’électrocardiogramme, la tachycardie est régulière, à QRS fins (sauf aberration de conduction ou bloc de branche préexistant, cf. Figure 4 et Figure 5). La fréquence est habituellement entre 180 et 240 bpm, mais elle est bien plus lente dans les tachycardies slow-slow (les deux voies étant lentes, le cycle de la tachycardie est nécessairement plus long).
=== Description électrocardiographique ===
A l’électrocardiogramme, la tachycardie est régulière, à QRS fins (sauf aberration de conduction ou bloc de branche préexistant, cf. Figure 4 et Figure 5). La fréquence est habituellement entre 180 et 240 bpm, mais elle est bien plus lente dans les tachycardies ''slow-slow'' (les deux voies étant lentes, le cycle de la tachycardie est nécessairement plus long).
 
L’onde P est nécessairement rétrograde, c’est-à-dire négative dans les dérivations inférieures (lorsqu’elle est visible) et positive en V1. Etant donné qu’elle naît du nœud atrioventriculaire, l’onde P dépolarise les atria droit et gauche simultanément ; sa durée est donc moindre que celle de l’onde P en rythme sinusal. La position de l’onde P rétrograde par rapport à l’intervalle RR renseigne sur le type de tachycardie par réentrée intra-nodale.
L’onde P est nécessairement rétrograde, c’est-à-dire négative dans les dérivations inférieures (lorsqu’elle est visible) et positive en V1. Etant donné qu’elle naît du nœud atrioventriculaire, l’onde P dépolarise les atria droit et gauche simultanément ; sa durée est donc moindre que celle de l’onde P en rythme sinusal. La position de l’onde P rétrograde par rapport à l’intervalle RR renseigne sur le type de tachycardie par réentrée intra-nodale.
Dans les mécanismes slow-fast, la tachycardie est à RP’ très court, <90ms.(3) Bien souvent, elle n’est pas visible car elle est fondue dans le QRS (Figure 3). Elle peut être démasquée en comparant la morphologie du QRS en tachycardie et en rythme sinusal. En effet, dans la dérivation V1 en tachycardie, on peut déceler une pseudo-onde R’, inexistante en rythme sinusal, qui correspond à l’onde P rétrograde. Cela correspond au shoulder sign, également appelé « signe de Wellens ». De manière similaire, l’onde P peut être prise pour une onde s dans les dérivations inférieures, qui sera là encore absente en rythme sinusal (Figure 6).(9)
 
Dans les formes atypiques fast-slow (Figure 4), le RP’ est long, l’onde P rétrograde se trouve dans la deuxième moitié de l’intervalle RR, avant le QRS. Dans les tachycardies slow-slow (Figure 5), le RP’ est plus court (néanmoins >90ms), l’onde P rétrograde se trouve vers le milieu de l’intervalle RR ou dans la pente ascendante de l’onde T.
Dans les mécanismes ''slow-fast'', la tachycardie est à RP’ très court, <90ms.<ref name=":0" /> Bien souvent, elle n’est pas visible car elle est fondue dans le QRS (Figure 3). Elle peut être démasquée en comparant la morphologie du QRS en tachycardie et en rythme sinusal. En effet, dans la dérivation V1 en tachycardie, on peut déceler une pseudo-onde R’, inexistante en rythme sinusal, qui correspond à l’onde P rétrograde. Cela correspond au ''shoulder sign'', également appelé « signe de Wellens ». De manière similaire, l’onde P peut être prise pour une onde s dans les dérivations inférieures, qui sera là encore absente en rythme sinusal (Figure 6).<ref>Katritsis DG, Camm AJ. Atrioventricular Nodal Reentrant Tachycardia. Circulation. 2010 Aug 24;122(8):831–40. </ref>
 
Figure 6. Comparaison de l’aspect des QRS en rythme sinusal et au cours de la tachycardie par réentrée intra-nodale slow-fast. L’onde P rétrograde peut être devinée car elle déforme la partie terminale des QRS. Représentation schématique et véritable ECG pour chaque cas.
Dans les formes atypiques ''fast-slow'' (Figure 4), le RP’ est long, l’onde P rétrograde se trouve dans la deuxième moitié de l’intervalle RR, avant le QRS. Dans les tachycardies ''slow-slow'' (Figure 5), le RP’ est plus court (néanmoins >90ms), l’onde P rétrograde se trouve vers le milieu de l’intervalle RR ou dans la pente ascendante de l’onde T.
[[Fichier:Figure 6 - Wellens.jpg|néant|vignette|428x428px|Figure 6. Comparaison de l’aspect des QRS en rythme sinusal et au cours de la tachycardie par réentrée intra-nodale ''slow-fast''. L’onde P rétrograde peut être devinée car elle déforme la partie terminale des QRS. Représentation schématique et véritable ECG pour chaque cas.]]
Les tachycardies sont déclenchées par des extrasystoles atriales ou plus rarement des extrasystoles ventriculaires.
Les tachycardies sont déclenchées par des extrasystoles atriales ou plus rarement des extrasystoles ventriculaires.
Elles s’interrompent le plus souvent par une modification des propriétés électrophysiologiques de la voie rapide qui finit par bloquer le passage de l’influx électrique. Dans le cas d’une tachycardie par réentrée intra-nodale typique, la tachycardie s’arrête de manière caractéristique sur une onde P rétrograde (Figure 7). L’arrêt de la tachycardie sur un complexe QRS fera d’avantage évoquer une tachycardie atriale, sans pouvoir éliminer un mécanisme de réentée.  
 
Elles s’interrompent le plus souvent par une modification des propriétés électrophysiologiques de la voie rapide qui finit par bloquer le passage de l’influx électrique. Dans le cas d’une tachycardie par réentrée intra-nodale typique, la tachycardie s’arrête de manière caractéristique sur une onde P rétrograde (Figure 7). L’arrêt de la tachycardie sur un complexe QRS fera d’avantage évoquer une tachycardie atriale, sans pouvoir éliminer un mécanisme de réentée.
 
L’arrêt de la tachycardie peut être spontané ou provoqué. Dans ce dernier cas, il sera obtenu par la réalisation de manœuvres vagales ou l’administration de médicaments. Ces différentes options seront détaillées dans la section « Traitement ». L’efficacité de ces mesures n’est pas pathognomonique du diagnostic de tachycardie jonctionnelle mais reste très évocatrice. L’existence d’une préexcitation ventriculaire sous l’effet de l’adénosine pourra nous orienter, vers une réentrée sur voie accessoire.
L’arrêt de la tachycardie peut être spontané ou provoqué. Dans ce dernier cas, il sera obtenu par la réalisation de manœuvres vagales ou l’administration de médicaments. Ces différentes options seront détaillées dans la section « Traitement ». L’efficacité de ces mesures n’est pas pathognomonique du diagnostic de tachycardie jonctionnelle mais reste très évocatrice. L’existence d’une préexcitation ventriculaire sous l’effet de l’adénosine pourra nous orienter, vers une réentrée sur voie accessoire.
[[Fichier:Figure 7 - Réduction.jpg|néant|vignette|1000x1000px|Figure 7. L’encart A montre un ECG de réduction de tachycardie par réentrée intra-nodale ''slow-fast'' sous l’effet de l’adénosine. L’encart B reprend une dérivation du même tracé et y adjoint un « diagramme en échelle » pour expliquer en détail la séquence observée (les points représentent les battements sinusaux, les étoiles les battements ectopiques, les traits rouges les passages par la voie rapide et les traits bleus les passages par la voie lente, NAV = nœud atrioventriuclaire). Les quatre premiers battements sont issus de la réentrée intra-nodale ''slow-fast''. Après le quatrième battement, la tachycardie cesse brutalement après avoir donné une onde P rétrograde. L’influx électrique bloque en antérograde dans la voie lente. Suite à la pause induite par l’adénosine, on observe une reprise de l’activité sinusale qui n’a pas le temps d’atteindre la voie rapide car un échappement ventriculaire arrive quelques millisecondes après. Le deuxième battement sinusal génère un QRS de fusion avec un autre échappement ventriculaire, un peu plus tardif que le précédent. S’ensuit une reprise du rythme sinusal normal.]]
Figure 7. L’encart A montre un ECG de réduction de tachycardie par réentrée intra-nodale slow-fast sous l’effet de l’adénosine. L’encart B reprend une dérivation du même tracé et y adjoint un « diagramme en échelle » pour expliquer en détail la séquence observée (les points représentent les battements sinusaux, les étoiles les battements ectopiques, les traits rouges les passages par la voie rapide et les traits bleus les passages par la voie lente, NAV = nœud atrioventriuclaire). Les quatre premiers battements sont issus de la réentrée intra-nodale slow-fast. Après le quatrième battement, la tachycardie cesse brutalement après avoir donné une onde P rétrograde. L’influx électrique bloque en antérograde dans la voie lente. Suite à la pause induite par l’adénosine, on observe une reprise de l’activité sinusale qui n’a pas le temps d’atteindre la voie rapide car un échappement ventriculaire arrive quelques millisecondes après. Le deuxième battement sinusal génère un QRS de fusion avec un autre échappement ventriculaire, un peu plus tardif que le précédent. S’ensuit une reprise du rythme sinusal normal.
L’ECG en rythme sinusal est strictement normal (en l’absence de pathologie associée).
L’ECG en rythme sinusal est strictement normal (en l’absence de pathologie associée).
Description électrophysiologique endocavitaire
 
=== Description électrophysiologique endocavitaire ===
L’exploration électrophysiologique des tachycardies par réentrées intra-nodale se fait idéalement à l’aide de trois cathéters (sinus coronaire, faisceau de His et ventricule droit) (Figure 8). Il peut être utile de positionner une sonde décapolaire dans le sinus coronaire dans l’éventualité d’un diagnostic différentiel de voie accessoire. L’utilisation d’un système de navigation et de cartographie tridimensionnel a peu d’intérêt pour le diagnostic des cas classiques.
L’exploration électrophysiologique des tachycardies par réentrées intra-nodale se fait idéalement à l’aide de trois cathéters (sinus coronaire, faisceau de His et ventricule droit) (Figure 8). Il peut être utile de positionner une sonde décapolaire dans le sinus coronaire dans l’éventualité d’un diagnostic différentiel de voie accessoire. L’utilisation d’un système de navigation et de cartographie tridimensionnel a peu d’intérêt pour le diagnostic des cas classiques.
[[Fichier:Figure 8 - Cathéters et anatomie.jpg|néant|vignette|999x999px|Figure 8. Cette figure en une représentation des vues en scopie du positionnement intracardiaque des cathéters. L’encart A correspond à une vue oblique antérieure droite et l’encart B à une vue oblique antérieure gauche. Dans chaque cas, la vue scopique est répétée à gauche avec superposition des structures anatomiques.]]
Figure 8. Cette figure en une représentation des vues en scopie du positionnement intracardiaque des cathéters. L’encart A correspond à une vue oblique antérieure droite et l’encart B à une vue oblique antérieure gauche. Dans chaque cas, la vue scopique est répétée à gauche avec superposition des structures anatomiques.
 
Exploration en rythme sinusal
==== Exploration en rythme sinusal ====
Lorsque l’exploration a lieu en rythme sinusal, elle va avoir pour objectif premier de démontrer l’existence d’une dualité nodale. C’est le cas lorsqu’un extrastimulus atrial permet d’allonger l’intervalle AV (plus exactement l’intervalle AH) de plus de 50 ms alors qu’il n’est plus précoce que l’extrastimulus du train de stimulation précédent que de 10 (ou 20) ms. C’est ce qu’on appelle un saut de conduction antérograde (Figure 9). Un saut de conduction rétrograde peut plus rarement être démontré dans les mêmes conductions mais avec des extrastimuli ventriculaires. Ces sauts correspondent à un blocage de l’influx électrique dans la voie rapide avec un passage abrupt sur la voie lente.
Lorsque l’exploration a lieu en rythme sinusal, elle va avoir pour objectif premier de démontrer l’existence d’une dualité nodale. C’est le cas lorsqu’un extrastimulus atrial permet d’allonger l’intervalle AV (plus exactement l’intervalle AH) de plus de 50 ms alors qu’il n’est plus précoce que l’extrastimulus du train de stimulation précédent que de 10 (ou 20) ms. C’est ce qu’on appelle un saut de conduction antérograde (Figure 9). Un saut de conduction rétrograde peut plus rarement être démontré dans les mêmes conductions mais avec des extrastimuli ventriculaires. Ces sauts correspondent à un blocage de l’influx électrique dans la voie rapide avec un passage abrupt sur la voie lente.
[[Fichier:Figure 9 - Saut sans écho.jpg|néant|vignette|814x814px|Figure 9. Enregistrements endocavitaires démontrant l’existence d’un saut de conduction. L’encart A montre le dernier extrastimulus avant le saut (entraînement S<sub>1</sub> à 600 ms et extrastimulus S<sub>2</sub> à 380 ms) ; l’intervalle S<sub>2</sub>-H est à 216 ms. Un diagramme en échelle détaille la séquence ; la conduction bloque systématiquement dans la voie lente. L’encart B montre l’extrastimulus suivant, plus précoce de 10 ms (entraînement S<sub>1</sub> à 600 ms et extrastimulus S<sub>2</sub> à 370 ms). L’intervalle S<sub>2</sub>-H s’est brusquement allongé de 70 ms pour atteindre 286 ms. C’est le saut de conduction antérograde. Le diagramme en échelle détaille la séquence et montre explicitement le passage à une conduction sur la voie lente.]]
Figure 9. Enregistrements endocavitaires démontrant l’existence d’un saut de conduction. L’encart A montre le dernier extrastimulus avant le saut (entraînement S1 à 600 ms et extrastimulus S2 à 380 ms) ; l’intervalle S2-H est à 216 ms. Un diagramme en échelle détaille la séquence ; la conduction bloque systématiquement dans la voie lente. L’encart B montre l’extrastimulus suivant, plus précoce de 10 ms (entraînement S1 à 600 ms et extrastimulus S2 à 370 ms). L’intervalle S2-H s’est brusquement allongé de 70 ms pour atteindre 286 ms. C’est le saut de conduction antérograde. Le diagramme en échelle détaille la séquence et montre explicitement le passage à une conduction sur la voie lente.
Un autre signe très évocateur de l’existence d’une dualité nodale est la capacité d’une stimulation atriale à fréquence croissante à repousser progressivement le ventriculogramme au-delà de la stimulation atriale suivante. On observe alors un intervalle PR plus long que l’intervalle RR (''cross over'', Figure 10).
Un autre signe très évocateur de l’existence d’une dualité nodale est la capacité d’une stimulation atriale à fréquence croissante à repousser progressivement le ventriculogramme au-delà de la stimulation atriale suivante. On observe alors un intervalle PR plus long que l’intervalle RR (cross over, Figure 10).
[[Fichier:Figure 10 - Wenckebach.jpg|néant|vignette|511x511px|Figure 10. Représentation d’une manœuvre de stimulation atriale à fréquence croissante chez un patient porteur d’une dualité nodale. On remarque que la troisième stimulation atriale engendre le 3<sup>e</sup> complexe ventriculaire, qui survient au-delà de la stimulation atriale suivante. Cela est probablement concomitant d’un passage de la conduction de la voie rapide à la voie lente comme schématisé sur le diagramme en échelle au-dessous.]]
Figure 10. Représentation d’une manœuvre de stimulation atriale à fréquence croissante chez un patient porteur d’une dualité nodale. On remarque que la troisième stimulation atriale engendre le 3e complexe ventriculaire, qui survient au-delà de la stimulation atriale suivante. Cela est probablement concomitant d’un passage de la conduction de la voie rapide à la voie lente comme schématisé sur le diagramme en échelle au-dessous.
Il est très important de souligner que l’existence d’une dualité nodale est fréquente dans la population générale (environ 25% des sujets) ;(3) l’écrasante majorité de ces sujets ne développera jamais de tachycardie. Par conséquent, la simple existence d’une dualité nodale ne permet pas en soi d’affirmer le mécanisme par réentrée intra-nodale d’une tachycardie supraventriculaire. L’exploration électrophysiologique doit être rigoureuse pour ne pas passer à côté d’un diagnostic différentiel.
Il est très important de souligner que l’existence d’une dualité nodale est fréquente dans la population générale (environ 25% des sujets) ;(3) l’écrasante majorité de ces sujets ne développera jamais de tachycardie. Par conséquent, la simple existence d’une dualité nodale ne permet pas en soi d’affirmer le mécanisme par réentrée intra-nodale d’une tachycardie supraventriculaire. L’exploration électrophysiologique doit être rigoureuse pour ne pas passer à côté d’un diagnostic différentiel.
Dans les cas typiques, le saut de conduction s’accompagne d’un écho, c’est-à-dire d’un signal atrial concomitant au signal ventriculaire, témoin d’une remontée par la voie rapide. Il n’est pas rare que cela suffise à engendrer la tachycardie (Figure 11). Des échos rétrogrades sont également possibles.
Dans les cas typiques, le saut de conduction s’accompagne d’un écho, c’est-à-dire d’un signal atrial concomitant au signal ventriculaire, témoin d’une remontée par la voie rapide. Il n’est pas rare que cela suffise à engendrer la tachycardie (Figure 11). Des échos rétrogrades sont également possibles.
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