Exploration électrophysiologique

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Introduction

L’exploration électrophysiologique est un examen de base en rythmologie dans le démarche diagnostique de nombreuses situations cliniques.

Il s’agit d’un examen permettant de détecter et mesurer des signaux électriques cardiaques nommées électrogrammes (ECG)[1].

Ses indications principales sont le bilan de troubles conductifs ou de syncopes avec notamment la mesure de l’intervalle HV, mais aussi le diagnostic de tachycardies notamment supra-ventriculaires avant une phase thérapeutique.

Dans les troubles conductifs, et notamment les blocs pluri-fasciculaires, l’indication d’EEP avant la mise en place ou non d’une stimulation cardiaque définitive est essentielle dans la démarche thérapeutique.

chez les patients présentant une syncope inexpliquée et un bloc de branche bifasciculaire, un stimulateur cardiaque est indiqué en présence d'un intervalle HV de base > 70 ms, d'un bloc infra-hissien du deuxième ou du troisième degré lors d'une stimulation auriculaire incrémentale ou d'une épreuve  pharmacologique.

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Technique et matériel

Sonde décapolaire, quadripolaire et sonde d'ablation.png

L’exploration électrophysiologique nécessite la mise en place de cathéters diagnostiques pourvus d’électrodes permettant l’enregistrement des ECG (bipolaire, quadripolaire, etc).

Les cathéters sont introduits le plus souvent par voie fémorale droite, après ponction par la technique de Seldinger, échoguidée.

Le repérage s’effectue en scopie avec nécessité de repérer les structures anatomiques que sont l’anneau tricuspide, le His et bien souvent le sinus coronaire.

Vue en scopie de face du postionnement des sondes d'électrophysiologie.png


Les différentes sondes sont reliées à une baie d’électrophysiologie permettant une analyse en direct des EGM et une mesure précise des intervalles.

Dans l’exploration de bradycardie, au minimum, deux sondes sont utilisées, une sonde bipolaire pour stimuler l’oreillette droite et une sonde quadripolaire pour le His.



Mesures et intervalles

Mesures statiques

Elle consiste en une mesure de l’intervalle AH qui mesure la vitesse de conduction dans le nœud atrioventriculaire, la seconde mesure importante est l’intervalle HV qui mesure la durée de la conduction électrique dans le faisceau de His, cette mesure est fixe et ne varie pas selon l’influence du système sympathique et parasympathique.

Un intérêt tout particulier est également porté sur la morphologie des signaux électriques enregistrés par voie endocavitaire. En effet, un dédoublement du potentiel hissien (H1 et H2) est en faveur de troubles conductifs de haut grade sous-jacent.


Norme et intervalles à connaître

  • Intervalle PA : Mesure réalisée du début de l’onde P sur l’ECG de surface jusqu’à l’onde A mesurée sur le cathéter hissien, correspondant au temps de conduction électrique du nœud sinusal au nœud AV.  –> 35-45 ms
  • Intervalle AH : Mesuré sur le cathéter hissien du début du signal atrial jusqu’au premier signal hissien. Il correspond au temps de conduction dans le nœud AV à 60-130 ms
  • Potentiel hissien : 10-20 ms
  • Intervalle HV : Mesuré du début de l’activité hissienne à la première activation ventriculaire ( souvent sur l’ECG de surface ) à 30-55 ms

Une  stimulation cardiaque définitive est indiquée chez les patients présentant une syncope avec un intervalle HV de plus de 70 ms.[3]

Cette mesure est un élément majeur pour l'indication de stimulation cardiaque définitive ( classe 1 dans les recommandations de l’ESC chez les patients présentant une syncope avec un bloc de branche sur l’ECG de surface)[4] .

Tests de stimulation

Analyse de la fonction sinusale

Nous nous intéresserons dans un premier temps à l'intégrité du nœud sinusal. Le test de référence est le test de Mendel permettant d’obtenir un temps de récupération sinusale corrigé.

Il consiste en une stimulation fixe de l’oreille à 600 ; 500 et 400 ms, avec une analyse du temps avant la première activité atriale spontanée. Le temps de récupération sinusale corrigé, est égal à la différence entre le temps de récupération sinusale et l'intervalle RR de stimulation cardiaque.

Un temps de récupération sinusale corrigé > 525 ms, est en faveur d'une dysfonction sinusale, et peut conduire l'implantation d'un pacemaker afin de corriger cette dysfonction sinusale en cas de symptômes compatibles[5]. Néanmoins ce test a une valeur diagnostique modérée.

Baie d'électrophysiologie montrant un Bloc supra-hissien.png

Analyse de la conduction auriculo-ventriculaire

Par la suite sont réalisés des mesures de conduction auriculoventriculaire, avec une stimulation cardiaque décrémentielle. Ces tests permettent de mettre en évidence un allongement progressif physiologique de l'intervalle AH, l'intervalle HV reste quant à lui stable.

Ce test permet de mettre en évidence un point de 2/1 au-delà duquel une activité atriale sur deux est conduite au ventricule.

Il est important de s’assurer que l’influx électrique bloque bien dans le nœud AV, dont c’est le rôle, et non dans le faisceau de His, ce qui signerait un bloc infra-nodal.

Pour cela, lors de la stimulation décrémentielle ou d’un extra stimulus atrial précoce, nous observons lorsque les ondes P sont bloquées, que le dernier signal enregistré sur le cathéter du His est bien le signal atrial et non le signal hissien.[6]

La période réfractaire du nœud AV est quant à elle aux alentours de 220 ms.

Tests médicamenteux

Enfin il est possible de sensibiliser ces mesures avec une injection médicamenteuse, en particulier d’Ajmaline[7]. Dans ce cas, le HV est considéré comme pathologique pour une mesure du HV > 100 ms ou s’il augmente de plus de 50%.[8]

Exploration de tachycardie

Concernant l'exploration électrophysiologique d'une tachycardie supraventriculaire, les manœuvres de stimulation sont plus nombreuses et complexes. Elles ne seront pas abordées dans ce chapitre, il faut retenir qu'une tachycardie à QRS fins peut révéler une tachycardie supraventriculaire ou une tachycardie jonctionnelle, dont les manœuvres de stimulation permettent de définir l'origine exacte.

Complications et limites

Concernant les complications d'une exploration électrophysiologique, le déclenchement d’une arythmie soutenue supra ventriculaire ou ventriculaire n’est pas rare. De plus, la manipulation de cathéters à l'intérieur de l’endocarde n’est pas sans risque. De très rares cas de tamponnade lors de manipulation de cathéters ont été décrits.   Enfin, l'abord veineux fémoral est à risque de complication à type de faux anévrisme ou d'hématome [9], minoré en cas de guidage échographique.  

L'exploration électrophysiologique est un examen qui expose le patient ainsi que le praticien aux rayonnements ionisant du fait du repérage en scopie de la position des cathéters. Il convient de diminuer au minimum cette exposition aux rayons X[10].

Conclusion

En résumé, l'exploration électrophysiologique est un examen clé dans la démarche diagnostique rythmologique, que ce soit des bradycardies ou des tachycardies notamment supraventriculaires.

Sa réalisation nécessite une parfaite connaissance des signaux endocavitaires et une analyse fine des différentes manœuvres de stimulation.


  1. Costantini O. Basic Principles of Cardiac Electrophysiology. Med Clin North Am. 2019 Sep;103(5):767-774
  2. Michael Glikson and others, 2021 ESC Guidelines on cardiac pacing and cardiac resynchronization therapy:, European Heart Journal, Volume 42, Issue 35, 14 September 2021
  3. Moya A, et Al , Bradycardia detection in Bundle Branch Block (B4) study. Diagnosis, management, and outcomes of patients with syncope and bundle branch block. Eur Heart J 2011;32:1535–1541.
  4. 2018 Guidelines for Diagnosis/Management of Syncope ESC Clinical Practice Guidelines
  5. Dhingra RC. Sinus node dysfunction. Pacing Clin Electrophysiol 1983;6:1062–1069
  6. Ezri M, Lerman BB, Marchlinski FE, Buxton AE, Josephson ME. Electrophysiologic evaluation of syncope in patients with bifascicular block. Am Heart J. 1983
  7. Pentimalli F, Bacino L, Ghione M, Giambattista S, Gazzarata M, Bellotti P. Ajmaline Challenge To Unmask Infrahisian Disease In Patients With Recurrent And Unexplained Syncope, Preserved Ejection Fraction, With Or Without Conduction Abnormalities On Surface ECG. J Atr Fibrillation. 2016
  8. Kaul U, Dev V, Narula J, Malhotra AK, Talwar KK, Bhatia ML. Evaluation of patients with bundle branch block and "unexplained" syncope: a study based on comprehensive electrophysiologic testing and ajmaline stress. Pacing Clin Electrophysiol. 1988
  9. Leonard N. et al, Risks and complications of clinical cardiac electrophysiologic studies: A prospective analysis of 1,000 consecutive patients, Journal of the American College of Cardiology, 1987,
  10. Lankaputhra M, Voskoboinik A. Radiation exposure in cardiac electrophysiology: How low can we go? Int J Cardiol. 2021 May 15;331:120-121