Introduction

La communication de mode fait référence à la capacité d'un pacemaker de changer spontanément ses réglages d'un mode synchrone, DDD, vers un mode asynchrone, DDI(R) ou VVI(R) après la détection d'une arythmie supraventriculaire, principalement la fibrillation atriale, afin d'éviter une stimulation rapide qui suivrait l'arythmie. Cette fonctionnalité a prouvé depuis longtemps qu'elle permettait une amélioration clinique de la perception de l'arythmie chez les patients porteurs de pacemaker.[1]

Ces algorithmes doivent permettre une bonne détection du passage en arythmie afin d'éviter les stimulations rapides, mais également du retour en rythme sinusal pour maintenir une bonne synchronisation AV et éviter les stimulations atriales inappropriées qui favoriseraient un retour en arythmie par la succession de cycles longs/courts/longs. Ils doivent, de plus, éviter les variations brutales de la fréquence cardiaque lors du changement de mode. Enfin il leur faut éviter de commuter sur une écoute croisée ou un bruit ou une tachycardie physiologique.

Pour détecter une arythmie atriale, les algorithmes se basent sur trois méthodes :[2]

  • La première repose sur la surveillance de la fréquence atriale à l'aide d'un compteur qui s'incrémente ou se décrémente en fonction de l'existence de cycles atriaux rapides. Lorsque le compteur est complété, le dispositif commute.
  • La deuxième méthode est basée sur une comparaison entre la fréquence atriale moyennée au quotidien et celle détectée. Si une variation brutale survient, le dispositif réalise une commutation.
  • La troisième méthode fonctionne sur un ratio entre un nombre de cycles courts A détectés par rapport à un nombre de cycles prédéterminés. Lorsque le dispositif constate "n" cycles courts sur "N" cycles, il commute.

Spécificités de chaque fabriquant[3]

Abbot

 
Paramètres de commutation de mode Abbot

Le système Abbot se sert de la comparaison entre la fréquence atriale instantanée (mesure de l'intervalle PP) et une fréquence atriale moyenne qui est ajustée en permanence. Cette fréquence s'appelle la fréquence atriale filtrée (IAF). Elle est basée sur l'intervalle atrial filtré qui est une valeur d'intervalle PP modifiée à chaque intervalle PP.

L'IAF augmente de 25 ms si le PP instantané > IAF et diminue de 38 ms si le PP instantané ≤ IAF.

La commutation de mode se produit lorsque l'IAF est inférieure à un intervalle défini (donc une fréquence supérieure à celle définie). Le dispositif revient ensuite à son mode antérieur lorsque l'IAF devient supérieure à cet intervalle défini.

Les paramètres réglables sont le mode dans lequel le dispositif commute, la fréquence dans ce mode et la fréquence à partir de laquelle a lieu la commutation.


Biotronik

 
Paramètres de Commutation de mode Biotronik

Le système Biotronik se base sur des fenêtres roulantes de "n" cycles rapides sur 8 cycles atriaux. Lorsque ces "n" cycles/8 sont plus rapides que la fréquence définie, l'appareil commute de mode. Le retour en mode initial se fait sur le même principe pour "n" cycles/8 plus lents que la fréquence définie.

Les paramètres réglables sont l'activation ou non de la fonction de commutation, la fréquence d'intervention et le mode dans lequel le dispositif va commuter.

Les pacemakers Biotronik intègrent un algorithme qui vise à lisser la fréquence ventriculaire lorsqu'il existe encore une conduction atrioventriculaire spontanée rapide en arythmie.

Le dispositif réalise la moyenne de la fréquence sur les quatre derniers cycles et stimule dès que la fréquence est inférieure de 10 bpm à celle-ci.

Boston Scientific

 
Paramètres de commutation de mode Boston Scientific

Le système Boston fonctionne sur un compteur d'événements. À partir du moment où la fréquence atriale dépasse la fréquence définie, les oreillettes spontanées et celles tombées en période réfractaire atriale postventriculaire sont prises en compte.

Un compteur d'entrée en arythmie est initié. Il s'incrémente ou se décrémente de 1 pour chaque cycle plus rapide ou plus lent que la fréquence déterminée. Une fois le compteur arrivé à une valeur définie, il faut ensuite valider un critère de durée définie au préalable. À l'issue de cette durée, le dispositif commute de mode.

Une fois le compteur d'entrée rempli, un compteur de sortie se met en place sur le même fonctionnement. Lorsqu'il atteint une valeur définie, le dispositif retourne alors à son mode initial. Si le compteur de sortie arrive à sa valeur avant la fin de la "durée", alors le dispositif ne commute pas de mode.

Les paramètres réglables sont la fréquence de déclenchement, la durée définie en nombre de cycles, le nombre de cycles pour le compte d'entrée et de sortie, le mode de repli ainsi que ses fréquences.

Il existe également une fonction de régulation de la fréquence ventriculaire qui contrôle la rapidité avec laquelle la fréquence ventriculaire va diminuer après le repli, c'est l'algorithme RFV.

Medtronic

Le système Medtronic repose sur 2 critères. Le premier est la valeur médiane des 12 derniers intervalles atriaux détectés. Il faut que cette médiane soit plus courte que l'intervalle programmé de commutation. Le second critère est le compteur d'événements de FA. Ce compteur est rempli lorsque deux signaux atriaux sont détectés entre deux signaux ventriculaires.

Lorsque le compteur est supérieur ou égal à 3, le critère est validé.

L'arrêt de la commutation se produit soit lorsque la médiane des 12 derniers intervalles atriaux est inférieure à la fréquence de commutation, soit lorsque le compteur d'événements de FA est inférieur à 27 pendant 3 minutes, soit s'il existe 5 intervalles en rythme sinusal.

Le mode de commutation est disponible chez Medtronic DDIR. Après commutation, il y a une diminution progressive de la fréquence ventriculaire par un allongement de 40 ms entre chaque stimulation jusqu'à la fréquence définie dans le mode asynchrone.

Microport CRM Sorin

Le système Sorin repose sur la détection d'une accélération brutale de la fréquence atriale via une fenêtre dynamique nommée la fenêtre de Détection de l'Accélération du Rythme Atrial ou DARA. Cette DARA est modifiée en permanence. Quand le rythme sinusal est inférieur à 80 bpm, la DARA représente 62,5 % de l'intervalle P-P précédent. Quand le rythme sinusal est supérieur (ou égal) à 80 bpm, la DARA représente 75 % de l'intervalle P-P précédent.

 
Fonctionnement de la "DARA"
 
Paramètres commutation de mode Microport CRM Sorin

Lorsqu'une activité atriale tombe dans la DARA, la valeur de celle-ci est bloquée et le ventricule suivant est considéré comme suspect. Le dispositif analyse ensuite les cycles ventriculaires. Si 28 cycles sur 32 sont considérés comme suspects, alors le dispositif commute. Si ce critère n'est pas satisfait mais qu'au moins 2 fois de suite 18 cycles sont considérés comme suspectssur les 32 derniers cycles, alors le dispositif commute.

La valeur maximale de la DARA est de 500 ms, ce qui veut dire que la fréquence ventriculaire doit être au moins de 120 bpm.

Le retour en mode synchrone est progressif. À partir du moment où le dispositif détecte une fréquence atriale inférieure à 110 bpm, il augmente la fréquence ventriculaire en diminuant l'intervalle VV de 65 ms tous les 12 cycles jusqu'à obtenir une resynchronisation AV.

Le seul paramètre réglable est la fréquence en repli. Après commutation en mode asynchrone, la fréquence de stimulation diminue progressivement (augmentation de l'intervalle VV de 30 ms tous les 12 cycles) jusqu'à la fréquence définie dans ce mode.


Cas particulier du flutter

Le flutter présente un risque particulier de défaut de repli. En effet, en cas de conduction 2/1, une activité atriale sur deux peut tomber dans la période réfractaire atriale postventriculaire. Cette activité n'est alors pas détectée et le dispositif ne réalise pas de commutation de mode. On parle alors de « 2:1 lock-in phenomenon ».

Pour ce cas particulier, Abbot et Microport n'ont pas mis en place d'algorithme spécifique, il faut modifier manuellement la PRAPV si l'on constate des épisodes.

Biotronik dispose d'une protection spécifique, intitulée « protection 2:1 lock-in ». Quand le dispositif détecte 8 événements atriaux consécutifs dans la fenêtre far-field atriale, et que le rythme ventriculaire stimulé est supérieur à 100 bpm, il suspecte l'existence d'un flutter masqué 2/1 et allonge le délai AV à une valeur maximale de 300 ms sur un cycle. Si le cycle atrial s'allonge, le dispositif conclut à une écoute croisée et ne commute pas ; en revanche, si les cycles atriaux ne sont pas modifiés par le changement de délai AV, il conclut à un flutter atrial et commute.

Boston dispose d'une fenêtre particulière, RFA de réponse au flutter atrial. Lorsque celle-ci est activée, si le boîtier détecte une activité atriale dans la PRAPV, il déclenche cette fenêtre qui inhibe une stimulation atriale. Si un nouveau signal est détecté, il déclenche à nouveau une fenêtre. Cela permet d'inhiber les stimulations atriales jusqu'à la commutation de mode et donc d'éviter la stimulation en période vulnérable de l'oreillette pouvant favoriser une FA. La stimulation ventriculaire n'est pas affectée par ces fenêtres RFA.

Medtronic disposait antérieurement d'un algorithme spécifique aux flutters. Néanmoins, les nouveaux algorithmes partielle et partielle+ qui permettent la comptabilisation d'un signal atrial tombé dans le blanking évitent le phénomène de « 2:1 lock-in phenomenon ».

Références

  1. Kamalvand K, Tan K, Kotsakis A, Bucknall C, Sulke N. Is mode switching beneficial: A randomized study in patients with atrial tachyarrhythmias. J Am Coll Cardiol 1997;30:496-504
  2. Stabile G, De Simone A, Romano E. Automatic mode switching in atrial fibrillation. Indian Pacing Electrophysiol J. 2005 Jul 1;5(3):186-96.
  3. Cardiocases. Repli sur arythmies atriales. Disponible sur : https://www.cardiocases.com/fr/pacingdefibrillation/questions-cliniques/pm/repli-sur-arythmies-atriales. Consulté le 10 juin 2023.