Tako tsubo (Takotsubo)

Généralités

Le syndrome de TAKO-TSUBO est une cardiomyopathie reconnue depuis 1990 par les Japonais[1].

Tako tsubo signifie en Japonais : piège à poulpe. Cette cardiomyopathie doit son nom à la ressemblance entre un piège à poulpe et l’aspect du ventricule gauche à la ventriculographie durant la systole (figure 1 et 2).

  

Cette pathologie touche surtout la femme ménopausée avec un sex ratio de 9/10[2]. Elle survient suite à un stress psychologique ou physique entrainant une sidération myocardique avec des troubles cinétiques réversibles de l’apex du ventricule gauche (ballonisation de l’apex). De part ce mécanisme physiopathologique, d’autres appellations ont vu le jour à savoir : cardiomyopathie de stress, le syndrome du cœur brisé, syndrome de ballonisation apicale.

Le mécanisme physiopathologique précis bien que non totalement élucidé, semble être en lien avec une stimulation du sympathique conduisant à une décharge catécholergiques suite à un stress intense.

Le tako-tsubo fait partie des diagnostics différentiels de syndrome coronarien aigu et représente 1 à 3% des suspicions des syndrome coronarien ST+ (jusqu’à 5 à 6% chez la population féminine).

Clinique :

Les symptômes les plus communs sont la douleur thoracique, la dyspnée, la syncope. Il existe des formes atypiques ou pauci-symptomatiques.

Parfois, le tableau clinique est masqué par celui de la pathologie apparaissant au premier plan (accident vasculaire cérébral, hémorragie sous arachnoïdienne).

Électrocardiogramme :

L’électrocardiogramme pourra mettre en évidence un su décalage du segment ST, des ondes T négatives, un allongement du QT.

L’ECG pourra avoir une évolutivité temporelle avec un su décalage initial du ST, suivi par une inversion des ondes T avec un allongement du QT puis une normalisation des anomalies électriques.


Su décalage du segment ST (figure 3): Dans le syndrome de tako-tsubo, le su décalage du segment ST correspond à la localisation du myocarde qui souffre : les segments médians et apicaux. En conséquence, l’élévation du segment ST concernera principalement les dérivations V2 à V5, D2 et AVR. En revanche pour un SCA ST+ antérieur, l’élévation du segment ST concernera principalement les dérivations V1 à V4, D1 et AVL.


 


Inversion des ondes T et allongement de l'intervalle QT (figure 4): L’inversion des ondes T et l’allongement du QT sont des signes électriques fréquents dans le syndrome de tako-tsubo. Les ondes T négatives sont en général plus amples et plus larges que pour un SCA. L'apparition d’ondes T négatives est en lien avec la présence d’œdème intra myocardique et peut persister plusieurs mois après la récupération de la contractilité myocardique. L’allongement de l’intervalle QT sera à risque de torsade de pointe et peut être un marqueur pronostic d’arrêt cardiaque.


 


Autres signes électrocardiographiques : On pourra retrouver plus rarement des ondes q isolées dans le territoire antérieur, une onde J, des QRS fragmentés, un micro-voltage des QRS, un bloc de branche gauche, un sous décalage du segment ST.

Biomarqueurs :

La troponine sera élevée dans le syndrome de tako-tsubo. En revanche, le pic de troponine sera classiquement modeste en comparaison à l’élévation des BNP.

Imagerie :

Il existe plusieurs formes de tako tsubo, la plus classique va impacter l’apex du ventricule gauche. Dans les formes plus atypiques, le tako tsubo pourra être mid-ventriculaire, basal, voir même focal[3].

Coronarographie et ventriculographie :  La coronarographie sera normale et la ventriculographie pourra retrouver un ballonnement de l’apex avec une hypokinésie apicale. Il a été rapporté dans certains cas de ballonnement apical, la persistance de la contractilité de la portion distale de l’apex correspondant à « l’apical nipple sign ». Une obstruction de la chambre de chasse ventriculaire gauche pourra être présente dans 20% des cas.

Échographie cardiaque : Nous pouvons également retrouver un ballonnement apical, hypokinésie, akinésie ou une dyskinésie des segments le plus souvent apicaux +/- médians avec une hyperkinésie basale. Une altération du strain dans les régions concernées.Les troubles cinétiques récupéreront en général en 4 à 8 semaines

IRM cardiaque : Bien que difficilement accessible, l’IRM peut avoir sa place dans la phase sub-aigue. Nous pouvons retrouver des troubles cinétiques, de l’œdème et parfois de la fibrose.

Diagnostic :

Le diagnostic de syndrome de tako-tsubo est un challenge du fait de ses similitudes avec le syndrome coronarien aigu[4].

En cas de su décalage du segment ST, il conviendra de réaliser en 1ère intension une coronarographie à la recherche d’un syndrome coronarien aigu.

En cas d’absence de su décalage du segment ST, afin d’aider au diagnostic de syndrome de tako-tsubo, il a été développé des critères diagnostics internationaux : InterTAK diagnostic criteria, décris ci-dessous (figure 5).


 


Complications :

L’instabilité hémodynamique et électrique, durant la phase aigüe expose les patients à des complications diverses dans 1/5 des cas :

- Insuffisance cardiaque

- Obstruction de la voie d’éjection ventriculaire gauche

- Choc cardiogénique

- Troubles du rythme : supra-ventriculaires ou ventriculaires

- Troubles de la conduction

- Thrombus ventriculaire gauche


Le risque de récidive est autour de 5%

Auteur(s): Clément Jourdeneau APHM

Références:

  1. Kurisu S, Kihara Y. Tako-tsubo cardiomyopathy: clinical presentation and underlying mechanism. J Cardiol. déc 2012;60(6):429‑37
  2. Ghadri JR, Wittstein IS, Prasad A, Sharkey S, Dote K, Akashi YJ, et al. International Expert Consensus Document on Takotsubo Syndrome (Part I): Clinical Characteristics, Diagnostic Criteria, and Pathophysiology. Eur Heart J. 7 juin 2018;39(22):2032‑46
  3. Citro R, Okura H, Ghadri JR, Izumi C, Meimoun P, Izumo M, et al. Multimodality imaging in takotsubo syndrome: a joint consensus document of the European Association of Cardiovascular Imaging (EACVI) and the Japanese Society of Echocardiography (JSE). J Echocardiogr. déc 2020;18(4):199‑224
  4. Ghadri JR, Wittstein IS, Prasad A, Sharkey S, Dote K, Akashi YJ, et al. International Expert Consensus Document on Takotsubo Syndrome (Part II): Diagnostic Workup, Outcome, and Management. Eur Heart J. 7 juin 2018;39(22):2047‑62