ECG et Hyperkaliémie

[1]On parle d’hyperkaliémie pour une concentration plasmatique de potassium strictement supérieur à 5.5mmol/l et d’hyperkaliémie sévère à partir de 7.5mmol/l.

Les manifestations cliniques et électriques dépendent non seulement de la concentration mais aussi de la vitesse d’installation, des comorbidités, des anomalies métaboliques et ioniques associées et des prises médicamenteuses.

Par exemple une hypercalcémie et natrémie masquent et corrigent les signes électriques d’une hyperkaliémie. A l’inverse, une hyponatrémie et calcémie les potentialisent.

Malgré la gravité potentielle, les symptômes cliniques sont inconstants et aspécifiques : fatigue, nausées, vomissement, douleur musculaire, crampe, paralysie flasque, abolition des réflexes tendineux, iléus reflexe, palpitation, épilepsie….[2]

Modification du potentiel transmembranaire

L’hyperkaliémie entraine 2 modifications principales :

-       Diminution de la durée du potentiel d’action avec raccourcissement de la phase 3

-       Augmentation du potentiel membranaire de repos (devient moins électronégatif)


Le premier effet est expliqué par l’augmentation de la perméabilité membranaire au potassium et le second par la diminution du gradient transmembranaire.

Une augmentation progressive de la kaliémie entraine par la diminution de l’amplitude du potentiel d’action un ralentissement de la conduction électrique.

Traduction électrique

Les premières modifications apparaissant dès le seuil de 5.5 mmol/l sont un raccourcissement du Qt associé à des ondes T amples, pointues et symétriques évoquant un aspect en « tente » ou « stalagmite ».

Ces dernières ne sont pas spécifiques et ne sont présentes que chez environ 22% des patients. Ces modifications résultent d’une accélération de la repolarisation et sont visibles préférentiellement dans le précordium.

Des aspects similaires peuvent être retrouvés chez des patients bradycardes, sous psychotropes, présentant des complications neurologiques ou des signes de surcharge diastolique du ventricule gauche.


A noter que chez certains patients, cela peut mener à une pseudo normalisation de la repolarisation en cas de présence de signes d’ischémie sous épicardique initialement.


A partir de 6.5mmol/l les manifestations électriques sont habituellement présentes chez la majorité des patients et se manifestent par des troubles de l’automatisme et de la conduction pouvant avoir lieu à tous les étages.


La sensibilité des tissus est différente à l’hyperkaliémie ; du plus au moins sensible : cellules atriales puis ventriculaire, nœud atrio-ventriculaire, faisceau de His et voies inter atriales.[3]


Troubles de conduction

Étage atrial

-       Diminution de l’amplitude et augmentation de la durée de l’onde p avec allongement de l’espace PR

-       bradycardie sinusale, bloc sino atrial, bloc inter-atrial voir paralysie

-       Abolition de l’activité atriale à partir de 8.5mmol/l


Les fibres atriales sont plus sensibles que les fibres ventriculaires à la kaliémie permettant de différencier un simple bloc de branche de troubles conductifs métaboliques lorsqu’est associé de manière concomitante une diminution de l’amplitude de l’activité atriale à un élargissement des qrs.

Étage jonctionnel :

-       BAV de degré variable (1 à 3)

Étage ventriculaire :

-       Élargissement des QRS avec pattern électrique différent d’un bloc de branche classique puisque affectant aussi bien la partie initiale que distale du QRS / Apparition de bloc fasciculaire / Relation linéaire entre la kaliémie et l’élargissement des qrs

-       Modification du segment ST à type de sus ou sous ST pouvant évoquer un aspect Brugada like ou une étiologie ischémique

-       Faux allongement du QT secondaire à l’élargissement des QRS (segment JT stable)


Une kaliémie supérieure à 12mmol/l se complique généralement d’un rythme agonique avec dissociation électro mécanique.

Troubles du rythme

Le raccourcissement de la conduction intraventriculaire associée à la diminution du potentiel d’action favorise les circuits de réentrée pourvoyeurs de tachycardie ventriculaire voir de fibrillation ventriculaire. Ce risque augmente significativement à partir d’un seuil de 7mmol/l.

Les fibres musculaires des voies accessoires étant plus sensibles que le nœud atrio-ventriculaire on peut noter une disparition de la pré excitation en cas de conduction antérograde.

Traitement[4]

Il dépend de la gravité de l’hyperkaliémie. Il s’agit de le débuter dès la suspicion clinique avant la confirmation biologique.

L’administration de calcium permet de rétablir un gradient électrique transmembranaire. (CI si intoxication digitalique associée). Il faut lui associer des traitements permettant de réduire la kaliémie à savoir le bicarbonate de sodium, l’insuline, les aérosols de Beta 2 mimétiques ainsi le sulfate de polystyrène.

La dialyse reste un traitement de choix chez un patient présentant une hyperkaliéme associée à une insuffisance rénale aigue et chronique anurique.

Auteur(s): Sebastien Guth

Bibliographie

  1. Campese VM, Adenuga G. Electrophysiological and clinical consequences of hyperkalemia. Kidney Int Suppl (2011). 2016 Apr;6(1):16-19. doi: 10.1016/j.kisu.2016.01.003. Epub 2016 Mar 14. PMID: 30675415; PMCID: PMC6340902.
  2. Weiss JN, Qu Z, Shivkumar K. Electrophysiology of Hypokalemia and Hyperkalemia. Circ Arrhythm Electrophysiol. 2017 Mar;10(3):e004667. doi: 10.1161/CIRCEP.116.004667. PMID: 28314851; PMCID: PMC5399982.
  3. Boineau JP, Spach MS. The relationship between the electrocardiogram and the electrical activity of the heart. J Electrocardiol. 1968;1(1):117-24. doi: 10.1016/s0022-0736(68)80014-7. PMID: 4880817.
  4. Schwartz AB. Potassium-related cardiac arrhythmias and their treatment. Angiology. 1978 Mar;29(3):194-205. doi: 10.1177/000331977802900302. PMID: 646184.