ECG et pyschotropes

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Cocaïne

Physiopathologie

La cocaïne est un alcaloïde extrait de la feuille de coca. Elle peut être utilisée sous différentes formes : mastiquée, sniffée, injectée ou fumée (crack). La cocaïne possède une action sympathomimétique en inhibant la recapture de la noradrénaline et de la dopamine au niveau des terminaisons nerveuses ; ainsi qu’en libérant de la noradrénaline à partir de la surrénale. Elle entraine également une inhibition de la recapture de la sérotonine et a un effet stabilisant de membrane.

Dans de nombreux cas, les troubles du rythme cardiaque attribués à la cocaïne surviennent dans un contexte de troubles hémodynamiques ou métaboliques sous-jacent, mais la cocaïne peut affecter la conduction cardiaque de différentes façons[1] [2]:

  • en diminuant le seuil de fibrillation (agent sympathomimétique)
  • en prolongeant la durée du potentiel d'action (action de blocage des canaux sodique entrant, effet identique aux anti-arythmiques de classe IC)
  • en allongeant le temps de repolarisation (action de blocage des canaux potassiques voltage-dépendant)
  • en augmentant les taux intracellulaires de calcium (entrainant des activités déclenchées

Modifications ECG

Les effets de la cocaïne sur l'ECG sont donc :

  • absence de modification de l'intervalle PR
  • élargissement du QRS
  • modifications non spécifiques du segment ST-T (sus décalage, sous décalage, inversion onde T)
  • allongement de l'intervalle QT
  • phénocopie de syndrome de Brugada (par inhibition canal sodique rapide

Arythmies cardiaques

Les troubles du rythme engendrés par la consommation de cocaïne découlent de ses effets physiopathologiques :

  • arythmie atriale : tachycardie sinusale, fibrillation atriale et autres tachycardies supraventriculaires (par augmentation du tonus sympathique)
  • arythmie ventriculaire : Extrasystole ventriculaire, TV monomorphe (phase aigu infarctus ou sur séquelle de nécrose), torsade de pointe
  • bradyarythmie : bradycardie sinusale, trouble de conduction atrio-ventriculaire

Ischémie myocardique

La consommation de cocaïne augmente le risque d’infarctus, même chez le sujet jeune, mais le diagnostic d’infarctus peut être difficile en raison de la présence d’une phénocopie de Brugada, ou de signes d’ischémie masqués par un élargissement des QRS et/ou une tachycardie. L’ischémie myocardique peut être favorisée par une augmentation des besoins en oxygène, une vasoconstriction artérielle, une érosion de plaque ou une dissection coronaire. [3]

Les signes ECG sont donc ceux retrouvés dans les ischémies coronariennes aiguës ou chroniques :

  • sus décalage du segment ST
  • modification non spécifiques du segment ST-T
  • séquelle de nécrose

Autres pathologies associées

La consommation de cocaïne augmente également le risque d’hypertrophie ventriculaire gauche, de cardiomyopathie dilatée ou de myocardite. Les signes ECG de ces pathologies peuvent donc être retrouvés (signes d’HVG électrique par exemple)[3].  

Amphétamines

Généralités

Les amphétamines représentent une classe de stimulants du système nerveux central (sympathicomimétique), en inhibant la recapture de la dopamine et de la noradrénaline. Le médicament principal, l'amphétamine (méthylphénidate), est utilisé pour traiter le trouble de déficit et de l’attention avec hyperactivité. La méthamphétamine est un dérivé de l'amphétamine, c’est une drogue disponible sous différente forme (ecstasy, MDMA). [4]

Sur le plan cardiaque, les amphétamines entrainent une diminution du courant potassique sortant. Les effets sur les canaux calciques sont plus débattus.[5]

Modifications ECG

Dans une cohorte rétrospective, plus de 70% des consommateurs de méthamphétamine avaient un ECG anormal. Les anomalies, par ordre de fréquence, étaient : [6]

  • tachycardie sinusale
  • HVG électrique
  • allongement de l'intervalle QT
  • onde q en inférieur
  • négativation ondes T en latéral

Par ailleurs, comme la cocaïne, les amphétamines augmentent le risque de tachycardie supraventriculaire, d’arythmie ventriculaire (torsade de pointe notamment), d’infarctus et de vasospasme. En revanche, les amphétamines ne sont pas associées à la survenue de trouble conductif.

Antidépresseurs tricycliques

Les anti-dépresseurs tricycliques exercent une action sur le système cardiovasculaire en lien avec leurs propriétés anticholinergiques (atropiniques) et à un effet stabilisant de membranes.

Imprégnation

A dose thérapeutique, les principaux effets sont :

  • une tachycardie sinusale (modérée)
  • allongement modéré de l’intervalle QT
  • aplatissement des ondes T
  • prolongation modérée de la conduction AV
  • Absence d’élargissement des QRS

Intoxication

Les doses toxiques entrainent[7] :

  • tachycardie sinusale (le plus souvent) ou tachycardie supra-ventriculaire
  • dégradation de la conduction AV : BAV 1, BAV 2 Mobitz 1 voir BAV de plus haut degré
  • altération de la conduction intra-ventriculaire avec élargissement des QRS, généralement aspécifique (bloc intraventriculaire), pouvant devenir très large
  • altération de la repolarisation :

anomalies non spécifiques : aplatissement onde T

anomalies plus spécifiques : allongement du QTc (souvent > 470 ms) et phénocopie de Brugada

  • arythmie ventriculaire maligne (TV/FV)

Neuroleptiques

Les neuroleptiques, aussi appelés antipsychotiques, représentent une classe pharmacologique dont la principale caractéristique est d’être des antagonistes des récepteurs dopaminergiques D2.

En plus de leur effet au niveau du système nerveux central, les médicaments neuroleptiques exercent une action de blocage sur les canaux potassiques. Cela explique leur principal effet ECG qui est un allongement de l’intervalle QT et donc le risque de torsade de pointe[7][8]. Ils nécessitent donc une surveillance ECG avant leur introduction et une surveillance régulière.

Lithium

Le lithium est fréquemment utilisé dans le traitement des troubles bipolaires et est connu pour induire des altérations de l'ECG. Ces altérations peuvent apparaître à dose thérapeutique mais aussi lors d’une intoxication, qui est potentiellement mortelle. Les modifications électriques secondaire au lithium dépendent à la fois de la durée de traitement et du taux sérique de lithium.

Imprégnation

L’imprégnation au long cours par le lithium peut donner[9] :

  • une inversion des ondes T, diffuses (anomalie la plus fréquente)
  • une dysfonction sinusale (plus rare et réversible à l’arrêt du traitement)
  • un allongement de l’intervalle QT (rare lors de l’imprégnation)
  • une phénocopie de syndrome de Brugada (exceptionnel)

Surdosage

Lors des surdosages, les modifications ECG sont plus fréquentes que lors de l'imprégnation et peuvent menacer le pronostic vital, on retrouve :

  • trouble du rythme ventriculaire
  • modifications du segment ST-T (sous-décalage, sus-décalage ST, aplatissement de l’onde T, phénocopie de Brugada)[10]
  • allongement du QT, augmentation de la dispersion du QT
  • trouble de conduction, plus rare (bloc atrioventriculaire, bloc intra-ventriculaire)
Auteur(s): Denis Métais

Références

  1. Lange RA, Hillis LD. Cardiovascular complications of cocaine use. N Engl J Med. 2001 Aug 2;345(5):351-8. doi: 10.1056/NEJM200108023450507. Erratum in: N Engl J Med 2001 Nov 8;345(19):1432. PMID: 11484693.
  2. Dominic P, Ahmad J, Awwab H, Bhuiyan MS, Kevil CG, Goeders NE, Murnane KS, Patterson JC, Sandau KE, Gopinathannair R, Olshansky B. Stimulant Drugs of Abuse and Cardiac Arrhythmias. Circ Arrhythm Electrophysiol. 2022 Jan;15(1):e010273. doi: 10.1161/CIRCEP.121.010273. Epub 2021 Dec 28. PMID: 34961335; PMCID: PMC8766923
  3. 3,0 et 3,1 Havakuk O, Rezkalla SH, Kloner RA. The Cardiovascular Effects of Cocaine. J Am Coll Cardiol. 2017 Jul 4;70(1):101-113. doi: 10.1016/j.jacc.2017.05.014. PMID: 28662796
  4. Kevil CG, Goeders NE, Woolard MD, Bhuiyan MS, Dominic P, Kolluru GK, Arnold CL, Traylor JG, Orr AW. Methamphetamine Use and Cardiovascular Disease. Arterioscler Thromb Vasc Biol. 2019 Sep;39(9):1739-1746. doi: 10.1161/ATVBAHA.119.312461. Epub 2019 Aug 21. PMID: 31433698; PMCID: PMC6709697.
  5. Dominic P, Ahmad J, Awwab H, Bhuiyan MS, Kevil CG, Goeders NE, Murnane KS, Patterson JC, Sandau KE, Gopinathannair R, Olshansky B. Stimulant Drugs of Abuse and Cardiac Arrhythmias. Circ Arrhythm Electrophysiol. 2022 Jan;15(1):e010273. doi: 10.1161/CIRCEP.121.010273. Epub 2021 Dec 28. PMID: 34961335; PMCID: PMC8766923
  6. Paratz ED, Zhao J, Sherwen AK, Scarlato RM, MacIsaac AI. Is an Abnormal ECG Just the Tip of the ICE-berg? Examining the Utility of Electrocardiography in Detecting Methamphetamine-Induced Cardiac Pathology. Heart Lung Circ. 2017 Jul;26(7):684-689. doi: 10.1016/j.hlc.2016.11.005. Epub 2016 Dec 9. PMID: 28110851
  7. 7,0 et 7,1 Beach SR, Celano CM, Noseworthy PA, Januzzi JL, Huffman JC. QTc prolongation, torsades de pointes, and psychotropic medications. Psychosomatics. 2013 Jan-Feb;54(1):1-13. doi: 10.1016/j.psym.2012.11.001. PMID: 23295003
  8. Rabkin SW. Aging effects on QT interval: Implications for cardiac safety of antipsychotic drugs. J Geriatr Cardiol. 2014 Mar;11(1):20-5. doi: 10.3969/j.issn.1671-5411.2014.01.005. PMID: 24748877; PMCID: PMC3981979.
  9. Mehta N, Vannozzi R. Lithium-induced electrocardiographic changes: A complete review. Clin Cardiol. 2017 Dec;40(12):1363-1367. doi: 10.1002/clc.22822. Epub 2017 Dec 16. PMID: 29247520; PMCID: PMC6490621.
  10. Diserens L, Porretta AP, Trana C, Meier D. Lithium-induced ECG modifications: navigating from acute coronary syndrome to Brugada syndrome. BMJ Case Rep. 2021 Jun 9;14(6):e241555. doi: 10.1136/bcr-2021-241555. PMID: 34108154; PMCID: PMC8191624.