Bloc atrioventriculaire (BAV) : généralités

Anatomie et physiologie du NAV :

Le NAV est une structure inter atriale, mesurant approximativement 5 mm de long, 5 mm de large et 0,8 mm d’épaisseur chez les adultes. Le NAV est localisé entre l’endocarde de l’oreillette droite, à l’apex du triangle de Koch, antérieur au sinus coronaire et directement au-dessus de l’insertion de feuillet septal de la valve tricuspide, au niveau de la fusion du tendon de Todaro et du corps fibreux central.


 
Figure 1 : Anatomie du triangle de Koch. Anderson RH, Cook AC. The structure and components of the atrial chambers. Europace. 2007









Le faisceau de His pénètre la jonction AV avec une localisation un peu plus antérieure et supérieure, à travers le corps fibreux central (trigone fibreux droit). A la base du triangle de Koch, la zone compacte du NAV se sépare en deux extensions postérieures (vers la droite et vers la gauche) généralement séparées par l'artère alimentant le NAV. Ces prolongements se bifurquent vers les anneaux tricuspide et mitral, respectivement. Le prolongement postérieur vers la droite a été impliquée dans ce que l'on appelle la voie lente dans le circuit typique de la tachycardie de réentrée nodale atrio-ventriculaire. L'apport sanguin du NAV se fait principalement par l'artère nodale AV, une branche de l'artère coronaire droite dans environ 90 % des cœurs et de l'artère circonflexe dans 10 % des cas.

 
Figure 2 : Les séries histologiques révèlent la présence d’une extension droite et une extension gauche postérieure du nœud. CN=nœud compact ; LNB : branche nodale inférieure, CFB= corps fibreux central. (Thomas Kurian, Pacing Clin Electrophysiol. 2010 June[1]).








La région du nœud atrioventriculaire (NAV) est innervée par un grand nombre de fibres cholinergiques et adrénergiques. La stimulation sympathique raccourcit le temps de conduction et les périodes réfractaires du NAV tandis que la stimulation vagale prolonge le temps de conduction et les périodes réfractaires. La réponse dromotropique négative du NAV à la stimulation vagale est médiée par l'activation du courant potassique rectifiant entrant (IKACh), qui entraîne une hyperpolarisation et un raccourcissement des potentiels d'action des cellules du NAV, une augmentation du seuil d'excitation, une dépression de l'amplitude du potentiel d'action et un temps de conduction prolongé. L'effet dromotrope positif de la stimulation sympathique est la conséquence de l'activation du courant Ca2+ de type L.

Physiopathologie :

Conduction normale et pathologique

La vitesse de conduction est très lente dans le nœud atrioventriculaire, de l’ordre de 0,1 m/sec. Les zones juxta atriale (AN) et juxta hissienne (NH) conduisent sur le mode tout ou rien alors que le zone compacte centro nodale est le siège d’une conduction décrémentielle. Le système de His-Purkinje (SHP) est le siège d’une conduction beaucoup plus rapide que celle du NAV, de l’ordre de 2 m/sec, qui s’effectue à travers des fibres spécialisées, dépendant des canaux sodiques, selon la loi du tout ou rien. Cependant, lorsqu’elles sont lésées, les fibres du SHP deviennent dépendantes de canaux calciques et sont le siège d’une conduction décrémentielle. Un phénomène particulier est parfois observé dans le SHP : après un potentiel d’action (PA), sur des fibres partiellement dépolarisées, le potentiel transmembranaire atteinte pendant quelques centièmes de secondes un niveau de polarisation plus négatif, ce qui a pour conséquences d’améliorer transitoirement la conduction ; cette très courte période située sur l’ECG de surface au voisinage du sommet de l’onde T est appelée « phase supernormale » et explique une amélioration paradoxale de la conduction atrio ventriculaire.


 
Figure 3 : Conduction supernormale, l'extrasystole améliore la conduction dans la branche gauche.






Degré et topographie des blocs :

Il est important de comprendre les relations existants entre la classification en degrés des BAV et leur topographie. Elément fondamental du pronostic.

On distingue :

-       Les blocs suprahissien ou nodaux, qui se situent en amont du tronc commun et sont dus à une atteinte du NAV.

-       Les blocs intra-hissien ou tronculaires qui correspondent à des lésions localisées au tronc du faisceau de His.

-       Les blocs infrahissiens qui révèlent d’une atteinte bilatérale des voies de conduction intraventriculaires, les branches de division du faisceau de His.

Les deux dernières localisations sont quelquefois regroupées sous le terme de blocs distaux ou de blocs sous ou infra-nodaux.

En cas de BAV complet, la tolérance et le pronostic dépendant essentiellement des propriétés du foyer de suppléance. Plus ce foyer est bas situé, plus lente sera sa fréquence, est plus grande sera son instabilité. Ce dernier paramètre conditionne le risque d’asystole prolongée. Lorsque le bloc est de siège nodal, les foyers de suppléance sont nodohissiens hauts et assurent, de façon stable, une fréquence de 40 à 60 /min pouvant s’accélérer à l’effort ; tous ces caractères contribuent à la bonne tolérance fonctionnelle de ce type de bloc sauf pour les blocs nodaux dus à une réaction vagale intense qui peuvent être responsables d’une syncope par pause cardiaque prolongée. A l’inverse, lorsque le trouble conductif est de siège infra-nodal, les foyers de suppléance, situés à la partie basse du faisceau de His, dans ses branches ou dans le réseau de Purkinje, ont une fréquence moindre (20 à 40 /min) pouvant se ralentir considérablement avec, à l’extrême, la survenue d’une asystole plus ou moins longue.

Eléments de localisation du siège du bloc :

Seul l’exploration électrophysiologique avec enregistrement du potentiel hissien permet de localiser avec certitude le siège d’un BAV. Cependant cet examen est le plus souvent inutile, les données de l’enregistrement électrocardiographique, prolongé si nécessaire, ainsi que la réponse à quelques manœuvres simples permettent d’orienter le diagnostic.

Retenons que les bloc nodaux se lèvent sous l’effet de l’effort ou de l’injection d’atropine, ce qui n’est pas le cas des blocs sous nodaux qui sont aggravés dans ces conditions par l’accélération de la fréquence atriale. Le massage sino-carotidien à l’effet inverse, il aggrave les blocs nodaux car il ralentit la conduction dans le NAV mais peut améliorer les blocs sous nodaux en diminuant le nombre d’impulsion atteignant le SHP.

Etiologie :

Bloc Fonctionnel :

La conduction AV est tributaire de la fréquence atriale et du système neurovégétatif. Artificiellement la stimulation atriale à fréquence croissante montre successivement un allongement de l’espace PR, un phénomène de Wenckebach avec allongement progressif de l’espace PR avant blocage d’une onde atriale, un Wenckebach alterne qui est l’alternance de séquence de Wenckebach et de bloc 2/1. La particularité du Wenckebach alterne inverse est que l’espace PR du premier complexe après la pause qui termine le Wenckebach est plus long que celui qui suit la pause du 2/1 en raison d’une conduction cachée de la dernière onde P dans le nœud-atrioventriculaire en fin de Wenckebach (Figure 4).

Dans le BAV fonctionnel, la conduction intra ventriculaire et normale et les QRS sont fins. Une aberration de conduction peut toutefois apparaître pour un rythme rapide, après une pause qui provoque une séquence cycle long-couplage court.

 
Figure 4 :  Exemple de Wenckebach alterne inverse. Alternance de période de Wenckebach 3/2 et 2/1. Noter que dans la période du 2/1, le premier espace PR et plus long (290 ms) que le suivant (260ms) ce qui dénote une conduction cachée de la dernière onde P du Wenckebach qui est bloquée. (Arythmies cardiaque illustrées et expliquées, Robert Grolleau, Pierre Gallay[2]).







Organique :

Les blocs organiques peuvent être aigus transitoires ou bien chroniques lésionnels.

BAV AIGUS :

Les bloc aigus transitoires peuvent être d’origine métabolique, médicamenteuse, infectieuse (maladie de Lyme, Diphtérie…) ou ischémique en cas d’infarctus inférieur classiquement.

Un BAV aigu peut-être iatrogène en cas de surdosage ou d’accumulation. Les principales thérapeutiques concernées peuvent être : digitaliques, bétabloquants, antiarythmiques de classe I. Des thérapeutiques à visée non cardiologiques peuvent être concernées : carbamazépine, anti-dépresseur, phénothiazine.

Dans l’endocardite infectieuse, la survenue d’un BAV témoigne en général de la survenue d’un abcès aortique. De nombreuses myocardites virales ou parasitaires peuvent se compliquer de BAV.

La réparation valvulaire est pourvoyeuse de troubles conductifs de haut grade. Après une chirurgie valvulaire, un BAV est retrouvé dans 1 à 4% des cas (remplacement mitral et tricuspide notamment). Le TAVI se complique de BAV dans 8 à 12% des cas.


BAV CHRONIQUES :

Les bloc chroniques lésionnels s’expriment soit de manière permanente soit paroxystique à la faveur de variation du rythme atrial. Les BAV chroniques progressifs dégénératifs (appelé aussi maladie de Lenègre-Lev) sont les plus fréquentes des BAV. Ils apparaissent avec l’âge et concernent des lésions de l’ensemble du système conductif, notamment des branches du faisceau de His.

Une forte incidence familiale a permis de retrouver des anomalies génétiques portant sur SCN5A, mais aussi TRPM4. Les mutations touchant SCN5A sont responsales de BAV progressifs supra ou infra hissien. Ils s’expliquent par une réduction des vitesses de conductions due à une réduction de la densité du courant sodique.

D’autres maladies génétiques se compliquent de BAV comme les maladies musculaires dégénératives (Dystrophie musculaire de Becker, dystrophie musculaire d’Emery-Dreifuss (LMNA et EMD), dystrophie myotonique de Steinert (DMPK), dystrophie de type Charcot et Marie-Tooth, syndrome de Kearns liés à des mutations mitochondriales. Les laminopathies constituent un groupe de maladies héréditaires dues à des mutations de gènes codant pour les lamines A et C ou pour l’émerine. Les laminopathies sont responsables de 5 à 10% des myocardiopathies dilatées.

Les maladies de surcharge comme amylose, l’hémochromatose et la galactosidose (maladie de Fabry et mucopolysacharidoses) sont également pourvoyeuses de BAV. Un BAV peut être observé dans la sarcoidose cardiaque.

BAV congénitaux : La prévalence est d’environ 1/20000 naissances. Il peut s’agir d’un BAV congénital isolé anténatal, néonatal ou du premier mois de vie : il est dans la quasi-totalité des cas de cause immunologique, dû au passage transplacentaire d’anticorps maternels anti Ro/SSA et/ou anti-La/SSB. Il est dû à une fibrose irréversible des voies de conduction et une inhibition des canaux calciques cardiaques de type L.

BAV associés à des maladies congénitales : un BAV est trouvé dans 1/3 des cas. Il est notamment associé aux cardiopathies de type double discordance ou les cardiopathies avec défect de type ostium primum. Des mutations hétérozygotes sur le facteur de transcription NKX2.5 ont été identifiées comme des causes de troubles conductifs atrioventriculaires et de malformations congénitales incluant essentiellement des communications inter-atriales (CIA).

Iatrogene et thérapeutique : un BAV peut être volontaire après ablation thérapeutique de la jonction atrio-ventriculaire. Il peut également compliquer une procédure de fermeture de communication interventriculaire, alcoolisation septale, une ablation de voie lente ou bien de voie accessoire parahissienne ou encore à distance d’une radiothérapie médiastinale.

BAV EXTRINSEQUES:

L’hypertonie vagale peut être responsable d’un BAV aigu, parfois complet, reconnaissable au contexte, à la bradycardie sinusale associée, et à l’allongement de l’intervalle PR préalable. Le siège du BAV complet vagale et toujours nodal. Il peut être responsable d’une asystole plus ou moins prolongée. Cette réaction cardio-inhibitrice peut être reproduite chez les sujets prédisposés lors d’un test d’inclinaison. Des BAV syncopaux d’origine réflexes peuvent également survenir dans le syndrome du sinus carotidien, lors de quintes de toux ou lors de la déglutition.

BAV Paroxystique intrinsèque : [3]

Parmi les BAV fréquence dépendants, on distingue deux situations : les BAV tachycardie dépendants (bloc en phase III) et les BAV bradycardie dépendants (bloc en phase IV).

Le bloc tachycardie dépendant, bloc en phase III, survient à la faveur d’une accélération de la fréquence atriale et disparait quand la fréquence se ralentit. Le bloc 2/1 d’effort à complexes fins et souvent un bloc tronculaire.

Les bloc bradycardie dépendant, bloc en phase IV, surviennent brutalement sans que les lésions qui le sous-tendent ne soient aggravées mais dépendent de variations de rythme de base. Une pause sinusale suivant une ESA ou une ESV peuvent suffirent à l’apparition d’un bloc en phase IV.  L’explication du bloc en phase IV est pour les uns (Rosenbaum), une dépolarisation diastolique lente en phase IV. Pour les autres (Jalifé, Antzelevitch), une mauvaise excitabilité de la zone distale et un affaiblissement dépendant du temps du courant sus jacent à la zone de bloc. L’excitabilité dans la zone bloquée se restaure quand une dépolarisation rétrograde cachée se transmet à partir de l’échappement et rend la zone de bloc de nouveau excitable.

Auteur(s): Sarah Zeriouh

Références

  1. Thomas Kurian, Pacing Clin Electrophysiol. 2010 June
  2. Arythmies cardiaque illustrées et expliquées, Robert Grolleau, Pierre Gallay
  3. Précis de rythmologie, sous l'Egide du groupe de rythmologie et de stimulation cardiaque. Sous la supervision de Frederic Sacher et Philippe Maury.