Hypertonie vagale - malaise vagal

L’hypertonie vagale constitue l’ensemble des manifestations cliniques en lien avec un déséquilibre de la balance entre le système sympathique et parasympathique en faveur de celui-ci.

Compte tenu de l’effet pléiotrope du système parasympathique sur le fonctionnement viscéral, les signes fonctionnels et cliniques extracardiaques sont nombreux ; sueurs, nausées, vomissements, pâleur, inconfort abdominal...

Ce chapitre traite de la définition et du mécanisme physiopathologique de la syncope réflexe, conséquence hémodynamique de l’hypertonie vagale.

Définitions

Syncope

 
Mécanismes impliqués dans la genèse d'une syncope[1]

La syncope est définie comme une perte transitoire de conscience en lien avec une hypoperfusion cérébrale[1]. Elle se caractérise par une survenue rapide, une courte durée et une récupération spontanée et d’emblée complète. Cette perte de conscience s’accompagne d’une amnésie de la période de la crise, l’absence de réponse aux stimuli externe, et une abolition du tonus postural.


Les causes et les mécanismes de syncope varient, mais résultent tous d’une baisse de la perfusion cérébrale par une diminution du débit cardiaque et/ou des résistances vasculaires périphériques.  La pression de perfusion cérébrale étant fonction du débit cardiaque (lui-même fonction de la fréquence cardiaque et du volume d’éjection systolique) et des résistances vasculaires périphériques, l’altération d’une ou plusieurs de ces variables physiologiques répondra du mécanisme des syncopes.


Les syncopes se répartissent en trois catégories distinctes : cardiaques, en lien une hypotension orthostatique, et les syncopes réflexes (ou vasovagales).

Hypertonie vagale et syncope réflexe

Sur le plan hémodynamique, les manifestations de l’hypertonie vagale aboutissent à une baisse de perfusion cérébrale, pouvant entraîner une perte transitoire de connaissance : c’est la syncope réflexe (ou vasovasagale, ou encore neuromédiée).


La syncope réflexe découle d’un baroréflexe anormal, avec deux composantes associées de manière variable et plus ou moins intriquées en fonction de l’individu : la composante vasoplégique (ou vasodépression) et la composante cardioinhibitrice[2].


La syncope réflexe est de loin la cause la plus fréquente de syncope : ainsi une personne sur trois présentera au cours de sa vie une perte de connaissance transitoire d’origine vagale[1]. Plusieurs formes de syncope sans cardiopathie structurelle ou hypotension orthostatique sont décrites sans correspondre exactement à des syncopes réflexes pures, regroupées sous le terme de syncope neuro-médiées, elles ne seront pas traitées dans ce chapitre.

Physiopathologie de la syncope réflexe[2][3][4]

La vasodépression

La vasodépression correspond à une chute du tonus vasculaire (principalement artériolaire) responsable d’une baisse brutale de la pression artérielle au cours de la syncope réflexe.


Si les déterminants de cette vasodépression restent à ce jour incomplètement connus, elle semble s’appliquer à un phénotype particulier de patients désignés comme « low BP phenotype » par les recommandations européennes[1]. Une étude mesurant la pression artérielle de repos ainsi que la fréquence cardiaque des patients sujets aux syncopes réflexes et la comparant à la population générale a mis en évidence une tendance globale à une pression artérielle diastolique et une fréquence cardiaque significativement plus élevées chez les patients présentant des syncopes réflexes, traduisant effectivement un état hémodynamique de repos différents dans cette population de sujets.

L'hypothèse formulée par les auteurs pour expliquer ces différences est celle d’une anomalie de répartition du pool sanguin associée à un état de déshydratation variable, résultant en une hypovolémie efficace. L’ensemble concourt à une diminution du retour veineux et donc du volume d’éjection systolique. Par ailleurs, il est décrit qu’une baisse du volume d’éjection systolique précède parfois de plusieurs minutes la baisse de pression artérielle : le primum movens de la vasodépression serait donc une incapacité à maintenir une pression artérielle adéquate dans un contexte de diminution du débit cardiaque, favorisée par des anomalies de retour veineux et de répartition du pool sanguin.

Pour autant cette hypovolémie efficace est insuffisante pour expliquer la totalité de la survenue des syncopes réflexes ; en effet, si les syncopes induites par l’orthostatisme sont probablement sous-tendues par ce mécanisme, de nombreux autres triggers (émotionnels, visuels, nociceptifs) peuvent aboutir à une syncope réflexe, qui sont alors incomplètement expliquées par cette anomalie du pool sanguin.

La cardioinhibition

 
Extrait de Holter ECG des 24 heures - patiente de 16 ans sans cardiopathie structurelle présentant des syncopes à répétition avec prodromes. Mise en évidence d'une pause sinusale réflexe de 15 secondes évocatrice d’une syncope cardioinhibitrice. Remerciements; Dr Maxime DE GUILLEBON, Centre Hospitalier de Pau

La cardioinhibition (ou bradycardie réflexe) correspond à une dépression profonde du système de conduction intracardiaque se traduisant par la survenue d’une bradycardie (< 40 bpm), plus ou moins sévère (pouvant aller jusqu’à l’asystolie) par dysfonction sinusale ou bloc auriculoventriculaire de haut grade transitoire. Ces troubles conductifs surviennent sur des voies de conduction saines et ne préjugent d’aucun mécanisme dégénératif. Celle-ci précipite la chute de pression artérielle au cours de la syncope réflexe, et participe donc à la perte de connaissance transitoire.

La cause exacte de la survenue de la cardioinhibition dans la syncope est réflexe est mal connue ; celle-ci est le plus souvent précédée par une vasodépression, et se lève une fois que situation hémodynamique se réverse, indiquant une potentielle corrélation entre les deux phénomènes. Pour autant, certaines formes cliniques de syncopes cardioinhibitrices pures existent, avec pas ou peu de vasodépression associée[5][6]

Interaction vasodépression – cardioinhibition et genèse de la syncope

Bien que la vasodépression et la cardioinhibition concourent toutes les deux à la survenue de la perte de connaissance dans la syncope réflexe, la part de chacune d’entre elles est variable d’un individu à l’autre, ainsi qu’en fonction des tranches d’âge (la composante vasoplégique s’exprimant plus avec l’âge par rapport à la cardioinhibition[7]). En effet, la cardioinhibition, même profonde, peut survenir après la perte de connaissance, qui dans ce cas relève quasi-exclusivement de la vasodépression[8].

L’évaluation des paramètres hémodynamiques au cours de la syncope est donc un temps important de l’évaluation des patients atteints de syncopes réflexes, afin de guider la stratégie thérapeutique (notamment la place des thérapeutiques antibradycardisantes, par stimulation ou ablation). Les recommandations européennes de la société européenne de cardiologie de 2018 mettent au premier plan de cette évaluation l’utilisation du tilt test[1], bien que l’intérêt de cet examen soit controversé.


Une classification des différents types de syncopes réflexe a été proposée pour différencier les réponses vasovagales rencontrées sur la base des résultats du tilt-test ; la classification modifiée VASIS (Vasovagal Syncope International Study)[9]

Type 1 Mixte. Diminution modeste de la fréquence cardiaque (reste > 40/min ou < 40 bpm pendant < 10 secondes) avec décroissance de la PA avant la FC
Type 2A Cardioinhibition sans asystolie. Diminution de la FC < 40 bpm pendant > 10 secondes sans asystolie > 3 secondes. Décroissance de la PA avant la FC
Type 2B Cardioinhibition avec asystolie. L’asystolie dure > 3 secondes. La baisse de PA coincide ou débute avant la baisse de fréquence cardiaque
Type 3 Vasodépression. Baisse de FC < 10% par rapport à la FC pré-tilt
Exception 1 Incompétence chronotrope. Pas de majoration de la FC pendant le tilt-test (<10% par rapport au pré-tilt)
Exception 2 Augmentation excessive de la fréquence cardiaque pendant la verticalisation et persiste pendant la syncope (> 130 bpm)

Autres mécanismes physiopathologiques

En plus des mécanismes précédemment abordés, d’autres facteurs associés sont susceptibles de concourir à la survenue d’une syncope réflexe:

-       L’hyperventilation, par l’effet supposé de la capnie sur le tonus vasculaire

-       Les émotions (peur, anxiété)

-       Le tonus autonome de repos

-       Facteurs humoraux : catécholamines, adénosine

Conclusion

L’hypertonie vagale est une situation clinique fréquente avec des multiples manifestations. Sa conséquence principale, la syncope réflexe, résulte d’une physiopathologie complexe. Les conséquences hémodynamiques de l’hypertonie vagale sont de mieux en mieux comprises et explorées de manière protocolisée, permettant de définir ainsi différents phénotypes de syncopes réflexes. La compréhension de cette entité nosologique permet de proposer des cibles thérapeutiques prometteuses dans le traitement des syncopes cardioinhibitrices, ciblant notamment les structures anatomiques relayant la réponse du système nerveux autonome au niveau cardiaque[10][11][12] (voir Modulation neurocardiogénique).

Auteur(s): Benjamin SACRISTAN

Références bibliographiques

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 et 1,4 Brignole M, Moya A, de Lange FJ, Deharo JC, Elliott PM, Fanciulli A, et al. 2018 ESC Guidelines for the diagnosis and management of syncope. European Heart Journal. 1 juin 2018;39(21):1883‑948.
  2. 2,0 et 2,1 Van Dijk JG, Van Rossum IA, Thijs RD. The pathophysiology of vasovagal syncope: Novel insights. Autonomic Neuroscience. déc 2021;236:102899.
  3. Jardine DL, Wieling W, Brignole M, Lenders JWM, Sutton R, Stewart J. The pathophysiology of the vasovagal response. Heart Rhythm. juin 2018;15(6):921‑9.
  4. Wieling W, Jardine DL, de Lange FJ, Brignole M, Nielsen HB, Stewart J, et al. Cardiac output and vasodilation in the vasovagal response: An analysis of the classic papers. Heart Rhythm. 1 mars 2016;13(3):798‑805.
  5. Brignole M. Neurally-mediated syncope. Ital Heart J. mars 2005;6(3):249‑55
  6. Brignole M, Groppelli A, Brambilla R, Caldara GL, Torresani E, Parati G, et al. Plasma adenosine and neurally mediated syncope: ready for clinical use. EP Europace. 1 juin 2020;22(6):847‑53
  7. Rivasi G, Torabi P, Secco G, Ungar A, Sutton R, Brignole M, et al. Age-related tilt test responses in patients with suspected reflex syncope. EP Europace. 1 juill 2021;23(7):1100‑5
  8. Van Dijk JG, van Rossum IA, Thijs RD. Timing of Circulatory and Neurological Events in Syncope. Front Cardiovasc Med. 2020;7:36
  9. Brignole M. New classification of haemodynamics of vasovagal syncope: beyond the VASIS classification Analysis of the pre-syncopal phase of the tilt test without and with nitroglycerin challenge. Europace. janv 2000;2(1):66‑76.
  10. Hou Y, Scherlag BJ, Lin J, Zhang Y, Lu Z, Truong K, et al. Ganglionated Plexi Modulate Extrinsic Cardiac Autonomic Nerve Input. Journal of the American College of Cardiology. juill 2007;50(1):61‑8.
  11. Rebecchi M, De Ruvo E, Borrelli A, Sette A, Sgueglia M, Grieco D, et al. Ganglionated plexi ablation in the right atrium for the treatment of cardioinhibitory syncope. Eur Heart J Suppl. mai 2023;25(Suppl C):C261‑4
  12. Aksu T, Gupta D, D’Avila A, Morillo CA. Cardioneuroablation for vasovagal syncope and atrioventricular block: A step-by-step guide. Journal of Cardiovascular Electrophysiology. 2022;33(10):2205‑12