Physiologie cellulaire de l'activation électrique cardiaque

Introduction

La cellule myocardique est l’unité fonctionnelle de base du myocarde. Elle dispose de deux rôles principaux qui sont interdépendants : Une activité électrique et une activité mécanique.

En fonction de leur localisation, les cellules myocardiques peuvent être spécialisées dans l’un ou l’autre de ces rôles. Il existe deux principaux types de cellules myocardiques :

  • Les cardiomyocytes contractiles : Composant les fibres à réponse rapide dont la fonction principale est d’assurer la contractilité du myocarde.
  • Les cardiomyocytes spécialisés (ou automatiques) : Composant les fibres à réponse lente dont la fonction principale est de générer et propager l’influx électrique par des structures dédiées afin d’assurer l’automatisme et la synchronisation de l’activation cardiaque.

Anatomie et équilibre électrochimique de la cellule myocardique

 
Figure 1 : Cellule hyperpolarisée

La cellule myocardique est entourée d’une membrane cellulaire correspondant à une bicouche lipidique qui a pour caractéristique d’être hydrophobe et imperméable aux ions.

 
Figure 2 : Graphique du potentiel de membrane (mV) en fonction du temps (ms).


Pour permettre le transit des ions à travers cette membrane cellulaire, il existe des canaux ioniques qui jouent le rôle de transporteurs. Il existe deux types de canaux ioniques :

  • Les canaux ioniques passifs : Répondant passivement à un gradient électrique et/ou chimique afin de rééquilibrer les charges ou les concentrations de part et d’autre de la membrane. Les deux gradients contribuent de manière relative, il existe donc un gradient électrochimique qui détermine le mouvement ionique.
  • Les canaux ioniques actifs : Qui permettent le transport d’un ion à l’encontre de son gradient naturel en échange d’énergie (par exemple une dégradation d’ATP).


La conductance, inverse de la résistance, est la capacité de la membrane à être perméable à un ion donné.

L’état d’équilibre électrochimique, pour un ion donné, est atteint lorsque les gradients chimiques et électriques sont de forces égales et opposées, sans flux transmembranaire.

Le potentiel d’un ion (Eion) résulte de la différence de charges électriques liées à cet ion de part et d’autre de la membrane à un instant donné.

Le potentiel de membrane (Em) est la moyenne des Eion de chaque ion, pondérée par la conductance membranaire de chaque ion.

Le potentiel de repos est le potentiel de membrane lorsque la cellule myocardique est au repos et que tous les ions sont à l’équilibre électrochimique. Il se situe entre -60 et -80mV en fonction des cellules.

En effet, l’espace intracellulaire est chargé négativement du fait de la présence de nombreux anions (Cl- notamment) et des protéines intracellulaires. On retrouve aussi une concentration importante de potassium (K+) dans la cellule.

L’espace extracellulaire est chargé positivement du fait de concentrations élevés de cations dont les principaux sont le sodium (Na+) et le calcium (Ca2+).

Au repos, la cellule est donc hyperpolarisée (Em très négatif) (Figure 1).

Le potentiel d’action d’une cellule traduit l’évolution du potentiel de membrane dans le temps lors de l’activation de la cellule.

Une atténuation, voire une inversion, de la différence de charges entre les milieux intra et extracellulaires (entrée de cations ou sortie d’anions) est appelée une dépolarisation.

A l’inverse, une majoration de l’électronégativité de la cellule (entrée d’anions ou sortie de cations) est appelée une repolarisation.

La polarité de cellule est couramment représentée par un graphique utilisant pour ordonnée le potentiel de membrane (Em en mV) et pour abscisse le temps (t en ms) (Figure 2).

Potentiel d’action cellulaire

Fibres à réponse rapide

Elles sont présentes dans les cellules atriales, ventriculaires et le réseau His-Purkinje. Leurs rôles principaux sont d’assurer la contractilité du myocarde et la conduction de proche en proche du potentiel d’action.


Phase 4 du potentiel d’action

 
Figure 3 : Phase 4 du potentiel d’action des fibres à réponse rapide.

C’est la phase de repos, le potentiel de membrane est égal au potentiel de repos (autour de -85/90mV dans les fibres à réponse rapide). La différence de concentration des ions de part et d’autre de la membrane est maintenue par des pompes ioniques (Na-K ATPase) et les échangeurs (3Na+/1Ca2+).

Cet état d’équilibre peut être rompu par un stimulus dépolarisant généralement représenté par un courant électrique d’une cellule voisine elle-même dépolarisée (courant capacitatif).

La diminution des charges positives à l’extérieur de la cellule et la transmission de cations (Ca2+) de proche en proche entre les cellules voisines entrainent une dépolarisation de la cellule jusqu’à un potentiel seuil (Figure 3).

Le potentiel seuil est le plus bas potentiel de membrane permettant l’ouverture des canaux Na+ voltage dépendant afin de générer un PA.

Loi du tout ou rien : soit le stimulus est assez intense, soit il ne l’est pas.

 
Figure 4 : Phase 0 du potentiel d’action des fibres à réponse rapide.

Phase 0 du potentiel d’action

C’est la phase de dépolarisation rapide.

L’ouverture de canaux Na+ voltage dépendant en réponse à l’atteinte du potentiel seuil (-65/70mV) est à l’origine d’un courant entrant sodique (Figure 4). Le courant est régénératif, car l’entrée du Na+ entraine une dépolarisation qui majore la conductance sodique et permet l’entrée d’encore plus de Na.

Vers -40mV survient une activation d’un courant calcique, mineur dans cette phase.

 
Figure 5 : Phase 1 du potentiel d’action des fibres à réponse rapide.


Phase 1 du potentiel d’action

C’est la phase de repolarisation précoce.

Vers +10mV l’état d’équilibre électrochimique du sodium est atteint. Les canaux sodiques se ferment, l’échangeur 3Na+/1Ca2+ fait sortir du sodium et une sortie de K+ (Ito) s’initie puis se désactive rapidement (Figure 5).

 
Figure 6 : Phase 2 du potentiel d’action des fibres à réponse rapide.


Phase 2 du potentiel d’action

C’est la phase de plateau.

Un équilibre s’obtient entre les courants entrants dépolarisant de Ca2+ (ICaL) principalement, et un peu de Na+ résiduel (INaL) et les courants sortants repolarisant de K+ appelés courants rectifiants ultrarapides IKur, rapides IKr et lents IKs (Figure 6).

C’est donc la phase d’entrée majeure du Ca2+dans la cellule, grâce aux canaux calcique de type CaL. Cette entrée massive de calcium est responsable d’une libération de calcium par le réticulum endoplasmique à l’origine de la liaison actine/myosine du sarcomère et donc de la contraction de la cellule myocardique.

IKs s’active et se désactive lentement. Quand la fréquence cardiaque augmente, le courant IKs augmente du fait de la désactivation lente et incomplète en période de diastole raccourcie. Cela améliore la repolarisation rapide et ce courant est donc le garant du raccourcissement du PA à l’effort.

IKur est présent uniquement dans les oreillettes.


 
Figure 7 : Phase 3 du potentiel d’action des fibres à réponse rapide.

Phase 3 du potentiel d’action

C’est la phase de repolarisation finale rapide, jusqu’au potentiel de repos.

Phase médiée par la conductance croissante du courant sortant rectifiant potassique IKr et IKs, mais aussi par les courant potassiques IK1 et IKACh (activé par l’acétylcholine) et l’inactivation de ICaL (Figure 7).

Il s’agit surtout de l’effet de IK1 qui s’active pour un potentiel < -20mV.

Cela permet un retour au potentiel de repos autour de -85/90mV qui sera de nouveau entretenu par la pompe Na+-K+ ATPase et l’échangeur 3Na+-1Ca2+. La réduction de la concentration calcique intracellulaire se fait par réentrée du Ca2+ dans le réticulum sarcoplasmique par activation de la pompe SERCA.


Fibres à réponse lente

Elles sont présentes dans les cellules du nœud sinusal et du nœud auriculoventriculaire.

 
Figure 8 : Phase 4 du potentiel d’action des fibres à réponse lente.


Phase 4 du potentiel d’action

C’est la phase de repos, le potentiel de membrane se trouve plutôt autour de -50/65mV dans les fibres à réponse lente.

Dans les cellules nodales (ou pacemaker), il existe une dépolarisation diastolique spontanée du fait de l’absence de courant rectifiant IK1 stabilisant le potentiel de membrane Em et de la présence d’un courant If.

Les canaux If (f pour « funny ») sont activés par l’hyperpolarisation cellulaire en phase 4. Ils sont beaucoup plus exprimés dans ces fibres à réponse lente que dans les fibres à réponse rapide. Ils font entrer du Na+ (et un peu de K+) dans la cellule, permettant une dépolarisation diastolique lente de la cellule sans nécessité de courant capacitatif (Figure 8).

La dépolarisation diastolique lente permet d’atteindre progressivement le potentiel seuil qui se trouve plutôt autour de -40mV dans ces fibres à réponse lente. Le temps nécessaire à passer du potentiel de repos au potentiel seuil dans les cellules du nœud sinusal définit la fréquence cardiaque sinusale.

 
Figure 9 : Phase 0 du potentiel d’action des fibres à réponse lente.


Phase 0 du potentiel d’action

C'est la phase de dépolarisation rapide.

Lorsque le potentiel seuil est atteint, une dépolarisation brutale de la cellule est induite par l’activation des canaux calciques voltage dépendant de type L (ICaL) (Figure 9).

Cette dépolarisation est beaucoup plus lente que dans les fibres à réponse rapide, entrainant une réduction significative de la vitesse de conduction dans la région nodale.

 
Figure 10 : Phase 3 du potentiel d’action des fibres à réponse lente.


Phase 3 du potentiel d’action

C’est la phase de repolarisation.

Lorsque l’entrée de calcium est suffisante et que le potentiel d’action membranaire atteint +10mV, cela permet l’ouverture de canaux potassiques voltage dépendant et l’entrée dans la phase 3 (Figure 10).

Ces canaux potassiques autorisent la sortie du K+ et donc un retour progressif au potentiel de repos de la membrane Em autour de -40mV (début de la phase 4).

Il n’existe pas de phases 1 et 2 dans les fibres à réponse lente. Ces phases correspondent aux phases d’entrée du Ca2+ dans la cellule, ce qui explique que les cellules nodales n’aient pas de fonction contractile.


Périodes réfractaires et vulnérable

Période réfractaire absolue (PRA)

Phase du potentiel d’action au cours de laquelle le déclenchement d’un nouveau potentiel d’action par un stimulus extérieur n’est pas possible.

Elle correspond aux phases 0, 1, 2 et une partie de la phase 3. Elle est en lien avec l’inactivation des canaux sodiques rendant impossible une nouvelle dépolarisation rapide.

Période réfractaire effective (PRE)

Après la PRA, il existe une partie de la phase où un stimulus peut entrainer une dépolarisation uniquement localisée, ne donnant pas lieu à un PA propagé.

La somme de cette période et de la PRA est appelée période réfractaire effective.

Période réfractaire relative (PRR)

A la fin de la phase 3, pour un Em < -60mV, le déclenchement d’un potentiel d’action est possible mais nécessite un stimulus supraliminaire (moins important que pour déclencher un PA en phase 4).

Cela s’explique par le fait que le potentiel de membrane est moins négatif et qu’une partie des canaux sodique est encore inactivée. Si un nouveau PA est déclenché, le courant sodique sera moins important en phase 0, générant un PA plus faible et la conduction en sera ralentie.

Période vulnérable

Pendant une brève période de la phase 3, après la fin de la PRR, l’excitation est possible en réponse à un stimulus infraliminaire (moins important que pour déclencher un PA en phase 4).

Ce phénomène survient lorsque le potentiel de membrane Em repasse sous le potentiel seuil mais n’est pas encore revenu au potentiel de repos. La disponibilité de canaux sodiques rapides et la proximité du potentiel seuil autorise le déclenchement précoce d’un nouveau potentiel d’action (Excitabilité supranormale).

Temps de récupération complète (TRC)

Temps nécessaire à la cellule pour retourner à une excitabilité diastolique normale.

NB : Dans les tissus pacemakers, la période réfractaire (PR) est due à l’inactivation des canaux calciques lents. Le NS et NAV restent en période réfractaire plus longtemps que le reste du myocarde, du fait de la lenteur des canaux calciques à sortir de PR, entrainant un phénomène de période réfractaire post-repolarisation (= au-delà du début de la phase 4).

Auteur(s): Clement Quinonero