Asservissement de fréquence

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Introduction

La fréquence cardiaque joue un rôle crucial dans l'adaptation de l'hémodynamie à l'effort. En effet, même si le volume d'éjection augmente de 50% au cours d'un exercice physique, l'augmentation du débit d'environ 5 L/min au repos à 20 à 30 L/min nécessite une augmentation de la fréquence cardiaque.

L'insuffisance chronotrope correspond à l'incapacité du nœud sinusal d'augmenter la fréquence cardiaque lorsque cela est nécessaire. Elle peut être responsable de dyspnée, de fatigabilité et d'angor d'effort. Cette insuffisance peut être secondaire à une atteinte cardiaque (déficience sinusale) ou à la neuromodulation.

Lorsqu'un patient est porteur d'un pacemaker monochambre ou que la synchronisation atrio-ventriculaire intrinsèque ne permet pas d'obtenir une fréquence cardiaque suffisante, on peut régler une fonction d'asservissement de fréquence qui va recréer l'accélération à l'effort. L'asservissement est alors signalé par la 4ème lettre du code international (R) par exemple VVIR ou DDDR.

Les différents types de capteurs[1][2]

Les pacemakers utilisent divers capteurs pour détecter l'effort physique du patient et ajuster la fréquence cardiaque en conséquence. L'objectif est d'assurer une augmentation de la fréquence aussi physiologique que possible, correspondant aux besoins métaboliques imposés par l'effort en cours.

Les critères de qualité d'un capteur d'asservissement incluent sa relation directe avec l'activité physique du patient, sa linéarité entre l'amplitude du signal capteur et le niveau d'effort, sa sensibilité optimale pour une réactivité rapide du système, sa plage de variation du paramètre mesuré, sa reproductibilité, sa taille réduite pour être inclus dans le stimulateur sans augmentation significative de sa taille, et une consommation d'énergie minimale. Les principaux types sont les accéléromètres, la ventilation-minute mesurée par bio-impédance et l'impédance intracardiaque.

Accéléromètre :

L'accéléromètre est un capteur qui mesure les mouvements du corps du patient. Il détecte les changements de position, les mouvements et les vibrations associés à l'activité physique. Ces informations sont ensuite utilisées pour ajuster la fréquence cardiaque.

Les accéléromètres offrent plusieurs avantages, tels que leur simplicité, leur fiabilité, leur faible consommation d'énergie et leur excellente sensibilité au début de l'effort. Ils fournissent également une corrélation satisfaisante entre la performance physique et l'accélération de fréquence, même dans des conditions telles que la marche ou les efforts de la vie quotidienne.

Cependant, ils ne détectent pas l'accélération due au stress mental, n'étant pas corrélée au métabolisme de l'effort. Ils sont également pris en défaut par les efforts qui nécessitent peu de mouvement thoracique, comme le cyclisme. En revanche, ils peuvent surréagir à des vibrations externes (machines professionnelles, déplacements sur terrain accidenté) ou à des mouvements isolés du boîtier suite à une sollicitation cutanée. De plus, la fin de l'effort correspondra à la fin du mouvement, alors qu'une fréquence cardiaque élevée peut encore être nécessaire en récupération.

Ventilation minute :

La ventilation minute repose sur l'augmentation de la fréquence respiratoire à l'effort. Elle se base sur les variations d'impédance thoracique mesurée entre un pôle d'une sonde (électrode annulaire OD ou VD) et le boîtier en fonction de l'inspiration ou de l'expiration. L'impédance transthoracique est élevée pendant l'inspiration et basse pendant l'expiration. Cette mesure est effectuée toutes les 20 à 50 ms.

Elle offre l'avantage de pouvoir utiliser toutes les sondes traditionnelles et présente une meilleure réactivité pour le stress métabolique que l'accéléromètre. La relation entre la fréquence cardiaque et la ventilation est linéaire jusqu'à un seuil ventilatoire au-delà duquel la réponse diminue.

Elle peut être faussée par la toux, l'hyperventilation, la ventilation mécanique. Cette méthode est à éviter chez les patients porteurs d'un syndrome restrictif. Elle est également peu réactive aux efforts anaérobies. De plus, la réponse est généralement plus lente que celle de l'accéléromètre.

Impédance myocardique :

L'impédance myocardique ou capteur CLS (Closed-loop sensing) est une spécificité de la marque BIOTRONIK. Elle mesure la résistance électrique entre les électrodes de la sonde ventriculaire entre 50 et 300 ms après la contraction ventriculaire. Lorsque l'effort physique augmente, l'impédance diminue en raison d'une augmentation de la conductivité sanguine. Cette diminution de l'impédance est utilisée pour détecter l'effort physique et ajuster la fréquence cardiaque en conséquence. Ce système peut utiliser toutes les marques de sondes ventriculaires.

L'impédance myocardique rend compte de la contractilité cardiaque, elle permet donc une adaptation au stress métabolique et mental. Elle peut également détecter une variation de cette contractilité médiée par le système sympathique avant que celui-ci ne soit responsable d'une bradycardie vagale. Elle aurait donc montré une efficacité sur les syncopes vagales[3].

Autres capteurs :

D'autres capteurs ont existé, bien qu'ils ne soient plus employés à l'heure actuelle. On note, par exemple, la mesure de l'intervalle QT. L'intervalle se raccourcit à l'effort. Il était mesuré par le temps entre le spike de stimulation et la pente de négativité correspondant à la fin de l'onde T. Un autre exemple est la mesure de la température du sang veineux central qui diminuait initialement suite au retour veineux, puis augmentait progressivement à l'effort. On peut encore citer la mesure de l'activité par un cristal piézoélectrique qui détectait la contraction musculaire. Cette mesure présentait les mêmes inconvénient que l'accéléromètre en étant plus sensible ou perturbation extérieurs.

Spécificités de chaque fabriquant[2][4]

Abbott :

  • Réglage d'asservissement de Abbot
    Abbott propose un pacemaker avec un algorithme d'asservissement de fréquence à l'effort basé sur l'accéléromètre.
  • Par défaut, le capteur est réglé sur passif. Il enregistre les variations d'activité sans que cela n'ait de conséquence sur la fréquence qui n'est pas asservie.
  • Lorsque le capteur est activé, plusieurs valeurs sont programmables :
    • Le seuil qui est le niveau minimum qui permet d'augmenter la fréquence de stimulation. La valeur peut être réglée de 1 à 7, le chiffre le plus bas correspondant au seuil le plus sensible. La valeur "auto" correspond à la moyenne du niveau d'effort du patient sur les 18 dernières heures.
    • La pente de l'augmentation de la fréquence cardiaque en fonction du niveau d'activité détecté. Elle varie de 1 (pente la plus faible) à 16 (pente la plus forte, l'accélération importe la fréquence).
    • Le temps de réponse
    • Le temps de récupération
    • La fréquence maximale du capteur

Biotronik :

  • Biotronik propose un système d'asservissement de fréquence qui s'appuie sur un accéléromètre ou sur un mode spécifique appelé précédemment exposé, le CLS (Closed Loop Stimulation). Ces deux capteurs fonctionnent indépendamment et ne peuvent pas être programmés simultanément.
  • Variables de l'accéléromètre :
    • Réglage asservissement Biotronik
      Le gain qui traduit l'amplification du signal avant son traitement, et donc le degré de réponse fréquentielle à un même effort. Plus il est important, plus la réponse est forte. Il est possible de programmer un gain automatique. En l'absence de fréquence maximale sur plusieurs jours, le gain augmente.
    • Le seuil qui est le niveau minimal qui déclenche une augmentation de fréquence.
    • L'augmentation de fréquence qui correspond à la pente d'augmentation de fréquence au cours du temps. Elle est exprimée en augmentation de bpm par cycle.
    • La décroissance de fréquence qui repose sur le principe précédemment décrit mais à la baisse et à la fin de l'effort.
  • Variables du CLS :
    • Le fonctionnement du CLS se calibre et s'adapte automatiquement dans la majorité des cas, une fréquence cible est déterminée pour que 20% des battements soient au-dessus de cette fréquence.
    • On peut modifier la valeur de la dynamique du CLS pour modifier la répartition des fréquences à la hausse ou à la baisse.
    • Le contrôle de fréquence au repos limite l'augmentation de la fréquence par le CLS en l'absence d'effort détecté par l'accéléromètre.

Boston Scientific :

  • Boston Scientific propose un fonctionnement sur deux capteurs d'asservissement, un accéléromètre et la ventilation minute, qui peuvent fonctionner séparément ou en association.
  • L'accéléromètre :
    • Il dispose de trois modes de réponse : classique (sur marche), uniquement lorsque la prothèse est en repli (RTA), ou un enregistrement des données d'activité sans asservissement effectif de fréquence (passif).
    • Réglage asservissement Boston Scientific
      La pente de réponse, qui comme pour les marques précédentes, traduit l'augmentation de la fréquence en fonction de l'activité. Réglable de 1 (faible réponse) à 16 (forte réponse pour une faible activité).
    • Le seuil d'activité qui correspond au niveau d'effort à réaliser pour déclencher l'asservissement de la fréquence. Réglable de très bas à très élevé.
  • La ventilation minute :
    • Comme l'accéléromètre, dispose des trois modes de réponse : marche, RTA ou passif.
    • On peut régler la pente de réponse sur le même modèle que l'accéléromètre et le niveau d'activité physique de sédentaire à sport d'endurance. Cette dernière variable permet de régler de façon automatique le seuil ventilatoire décrit plus haut. Plus le patient est sportif, plus on augmente le seuil ventilatoire.
  • Une particularité de l'asservissement chez Boston Scientific est l'association de ces deux capteurs d'asservissement :
    • Lorsque l'accéléromètre est inférieur à la réponse de la ventilation minute, la combinaison des capteurs est basée à 100% sur la ventilation minute.
    • Si la réponse de l'accéléromètre est supérieure à la réponse de la ventilation minute, la combinaison est basée à environ 80% sur l'accéléromètre et 20% sur la ventilation minute.
    • Si la fréquence de l'accéléromètre se trouve au niveau de la fréquence minimale asservie et celle de la ventilation minute se trouve au niveau de la fréquence maximale asservie, alors la fréquence finale est basée à environ 40% sur l'accéléromètre et 60% sur la ventilation minute.

Medtronic :

Réglage asservissement Medtronic

Medtronic propose un asservissement sur un capteur de type accéléromètre qui a la spécificité de dichotomiser 2 catégories de fréquence pour 2 catégories d'effort avec chacun une pente particulière d'asservissement.

  • La catégorie AQ correspond aux activités de la vie quotidienne (marche, ménage, efforts modérés). Elle se caractérise par sa fréquence AQ et par sa pente qui est définie par le point de consigne AQ. Ces valeurs sont ajustées automatiquement par l'appareil en se basant sur le pourcentage de temps où la fréquence stimulée n'est pas la fréquence minimale.
  • La catégorie effort correspond aux efforts intenses. Elle se caractérise par la fréquence maximale asservie et par sa pente qui est définie par le point de consigne effort. Elle-même est aussi ajustée automatiquement.
  • Les points de consigne peuvent être ajustés manuellement au cours d'un test d'effort.
  • On peut également définir le seuil d'activité pour le déclenchement de l'asservissement de "bas", qui est plus sensible à "élevé" moins sensible.
  • L'asservissement des pacemakers sans sonde MICRA fonctionne également via un accéléromètre.
    • Pour le MICRA VR, le dispositif étant intra-cardiaque, il perçoit en permanence une activité. Un filtre spécial est appliqué sur les fréquences de 1 à 10 Hz et est couplé à un algorithme spécifique pour faire la différence entre les battements cardiaques et un réel effort. Il est possible de régler manuellement le vecteur de l'accéléromètre sur lequel se base l'algorithme.
    • Pour le MICRA AV, le système tente de suivre l'activité atriale en se basant sur la détection de l'activité mécanique de celle-ci jusqu'à une fréquence définie. Au dessus de cette fréquence, le mode de fonctionnement est le même qu'un MICRA VR.
Réglage asservissement Microport

Microport CRM-SORIN :

  • Microport propose de son côté un asservissement basé sur l'utilisation couplée d'un accéléromètre et d'une ventilation minute.
  • La réponse à l'effort sera donc la synthèse de la réponse des deux capteurs.
  • Comme évoqué dans la première partie, en début d'effort, la réaction de l'accéléromètre est plus précoce, tandis que la ventilation minute perdure en récupération.
  • L'asservissement peut être réglé sur apprentissage, les données sont alors enregistrés mais la fréquence n'est pas asservie ou sur activée/
  • Lorsque l'asservissement est activé, deux modes de fonctionnement sont possibles :
    • RR figé est un mode dans lequel la pente de réponse à l'activité est réglable manuellement de très faible à très élevée.
    • RR auto est un mode dans lequel la pente de réponse est réglée par l'appareil via le niveau de ventilation. En l'absence d'effort maximal, la pente augmente de quelques pourcents tous les jours (réponse à l'activité plus forte). À l'inverse, la pente diminue en cas d'atteinte d'un effort maximal (réponse à l'activité plus faible).


Auteur(s): Victor Fournier

Références

  1. Ritter P, Fischer W. Pratique de la stimulation cardiaque. Springer; 2000. p. 116-136
  2. 2,0 et 2,1 Trohman RG, Huang HD, Larsen T, Krishnan K, Sharma PS. Sensors for rate-adaptive pacing: How they work, strengths, and limitations. J Cardiovasc Electrophysiol. 2020 Nov;31(11):3009-3027.
  3. Rattanawong P, Riangwiwat T, Chongsathidkiet P, et al. Closed‐looped stimulation cardiac pacing for recurrent vasovagal syncope: a sys- tematic review and meta‐analysis. J Arrhythm. 2018;34(5):556‐564
  4. Cardiocases. Asservissement de fréquence. Disponible sur : https://www.cardiocases.com/fr/pacingdefibrillation/questions-cliniques/pm/asservissement-de-frequence#:~:text=Une%20fréquence%20cible%20est%20déterminée,dessus%20de%20cette%20fréquence%20cible. Consulté le  03 juin 2023.